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une femme, et qu’ils en meurent, il sera lapidé, et l’on ne mangera point de sa chair ; mais le maître du bœuf sera innocent. » La justice veut qu’on fasse périr l’animal qui nuit aux hommes, et quand la Loi parle du taureau en particulier, c’est la partie qui est prise pour le tout ; de là tous les animaux au service de l’homme, dès qu’ils lui sont nuisibles, doivent également être sacrifiés. Mais s’il faut les faire périr, pourquoi employer la lapidation ? Qu’importe en effet le genre de mort pour un animal destiné à périr ? De plus il ne faut point se nourrir de sa chair ; à quoi tout cela a-t-il rapport ? L’Écriture, fidèle à l’esprit qui l’anime, – n’a-t-elle pas ici en vue quelque signification mystérieuse ?
LXXXII. (Ib. 21-35.) Sur le taureau qui blesse et tue un autre taureau.
– « Si le taureau de quelqu’un frappe de sa corne le taureau du voisin, et qu’il en meure, ils vendront le taureau qui est vivant ; et ils en partageront le prix, et ils partageront le bœuf. » Est-ce que cette loi ne devait avoir d’application que pour le taureau, et non pour tous les autres animaux en pareil cas ? Il est évident qu’ici encore la partie est mise pour le tout ; seulement si la chair de l’animal tué était de celle dont on ne mangeait point, la loi n’avait plus en ce point de raison d’être.


LXXXIII. (Ib. 22, 1.) Loi relative au vol des veaux ou des brebis.
– Pourquoi la loi veut-elle qu’on rende cinq veaux pour un seul, et quatre brebis pour une, si ceci ne voile quelque mystère ?
LXXXIV. (Ib. 22, 2.) Sur les voleurs qui s’attaquent aux maisons.
– « Si un voleur est surpris perçant la muraille, et qu’étant blessé il en meure, il n’y aura pas homicide. Mais si le soleil se lève sur lui, le meurtrier sera coupable, et il mourra. » Par conséquent, si le voleur est tué pendant la nuit, ce n’est pas un cas d’homicide ; mais le contraire a lieu, si c’est pendant le jour. Car tel est le sens de ces paroles : « si le soleil se lève sur lui. » On pouvait discerner alors s’il se présentait pour voler et non pour tuer, ce qui ne donnait pas le droit de le mettre à mort. La législation antique des païens, moins ancienne cependant que celle de Moïse, permettait aussi de tuer impunément et de quelque manière que ce soit le voleur de nuit, et même le voleur de jour, quand il se défendait à main armée : car alors c’était plus qu’un voleur[1].
LXXXV. (Ib. 22, 9.) Sur le parjure dévoilé par Dieu lui-même.
– Que veulent dire ces mots : « Celui qui aura été convaincu par Dieu, rendra le double ? » Ne signifient-ils pas que Dieu veut parfois, à certains signes, faire connaître le parjure ?
LXXXVI. (Ib. 22, 28.) Que signifie : Les dieux ?
– « Tu ne maudiras point les dieux. » Qui appelle-t-il de ce nom ? Sont-ce les premiers qui rendent la justice au peuple ? Moïse fut de même appelé le dieu de Pharaon[2]. Alors ce qui suit : « Et tu ne maudiras point le prince de ton peuple » – le grec porte : tu ne diras pas de mal, – serait l’explication de ce qui précède, et ferait voir ceux que le législateur entend désigner par cette expression : les dieux. Ou bien faut-il donner à cette parole le sens que lui prête l’Apôtre, quand il dit : « car encore qu’il y en ait, dans le ciel ou sur la terre, qui sont appelés dieux, et qu’en ce sens il y ait plusieurs dieux et plusieurs Seigneurs[3] ? » en ajoutant : dans ce sens il y en a, l’Apôtre veut dire qu’il est des créatures vraiment dignes de ce nom, mais c’est à cette condition que ce qu’on nomme en grec λατρεία, en latin servitus, c’est à dire le culte d’adoration, n’est dû qu’au seul vrai Dieu, qui est notre Dieu à nous. Il est défendu de maudire les dieux, mais en supposant même qu’il y ait des créatures vraiment dignes de ce nom ; il n’y a pas de loi qui commande de les honorer par des sacrifices ou par aucune démonstration qui tienne du culte de latrie


LXXXVII. (Ib. 23, 2.) Le mauvais exemple du grand nombre n’excuse pas du péché.
– « Tu ne seras pas avec le plus grand nombre pour le mal. » Juste condamnation de ceux qui excusent leur conduite sur l’exemple du plus grand nombre, ouqui pensent être par cela même irréprochables.
LXXXVIII. (Ib. 22, 3.) Sur la miséricorde et la justice
– « Tu n’auras pas compassion du pauvre, en le jugeant ». Sans cette addition, « en le jugeant » le texte précité eût donné lieu à une grave question. D’ailleurs quand cette addition n’eût pas été écrite, il aurait fallu la suppléer par la pensée. Plus haut, le texte porte : « Tu ne te joindras pas à la multitude, pour te laisser aller avec le plus grand nombre à porter un jugement injuste » quand on lit ensuite « Et tu n’auras pas compassion du pauvre » on pouvait donc sous-entendre : « devant la justice. »

  1. Voir la loi des 12 Tables, ces paroles en sont extraites par Cicéron dans son discours pro Milone.
  2. Exod. 7, 1
  3. 1 Cor. 8, 5