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exclusivement les biens de la terre. Mais ceux dont la vie est, suivant le témoignage de l’Apôtre, toute céleste[1], ne doivent pas régler sur l’exemple des sages-femmes leur manière de parler, quand il s’agit de dire la vérité et d’éviter le mensonge. Au reste, cette question mérite d’être traitée avec un soin particulier, en raison des autres exemples que fournit l’Écriture.

II. (Ib. 2, 11-12.) Moise tue un Égyptien : en vertu de quel droit ? — Dans l’ouvrage que nous avons écrit contre Faustus sur la vie des Patriarches, nous avons suffisamment disserté sur le meurtre de l’Égyptien, commis par Moïse : faut-il louer le naturel ardent qui le fit tomber dans cette faute, comme on loue la fécondité de la terre qui produit des plantes inutiles en abondance, avant même que la bonne semence y ait germé ? Cet acte en lui-même est-il tout à fait excusable[2] ? Il semble que non, par la raison que Moïse n’était pas encore en possession de l’autorité légitime, qu’elle lui vint de Dieu ou que la société l’en eût revêtu. Néanmoins, au témoignage de saint Étienne dans les actes des Apôtres, ses frères, pensait-il, comprendraient que Dieu les délivrerait par son ministère[3] ; il semble, d’après cela et malgré le silence que garde ici l’Écriture, que Moïse avait été déjà autorisé par Dieu à faire cet acte d’autorité.

III. (Ib. 3, 4.) Est-ce un ange ou le Christ qui apparaît à Moïse dans le buisson ardent ? — « Le Seigneur l’appela du milieu du buisson. » Le Seigneur était-il caché dans l’ange ? ou le Seigneur est-il ici celui qui s’appelle « l’ange du grand conseil[4] » et qui est le Christ ? Car nous lisons plus haut : « l’Ange du Seigneur lui apparut dans une flamme de feu, du milieu du buisson. »

IV. (Ib. 3, 8.) Sur la terre promise. — « Les faire passer de cette terre dans une terre bonne et spacieuse, où coulent le lait et le miel. » Cette terre, où le lait et le miel coulent par ruisseaux, doit-elle être entendue dans le sens spirituel ? car, dans le sens propre, telle n’était pas la terre qui fut donnée au peuple israélite. Est-ce une manière de parler pour faire l’éloge de sa fécondité et de ses agréments ?

V. (Ib. 3, 9.) Sur le cri des Israélites. — « Et maintenant voici que le cri des enfants d’Israël vient jusqu’à moi. » Le mot cri n’a pas ici le même sens que quand il est parlé du cri de Sodome[5] pour désigner une iniquité criante, sans crainte et sans pudeur.

VI. (Ib. 3, 22.) Sur l’ordre que Dieu donna aux Hébreux de dépouiller les Égyptiens. — Lorsque le Seigneur ordonna aux Hébreux, par l’intermédiaire de Moïse, de prendre aux Égyptiens des vases d’or et d’argent, et des vêtements, et qu’il ajoute : « Et vous les dépouillerez » il ne faut pas juger ce commandement comme contraire à l’équité. C’est un ordre de Dieu : par conséquent nous n’avons pas à le juger mais à y obéir. Dieu sait en effet, quelle justice préside à ses commandements : quant au serviteur, il n’a qu’à se soumettre par obéissance à ses ordres.

VII. (Ib. 4, 10.) Moïse est convaincu que Dieu peut tout-à-coup, lui délier la langue — Quand Moïse dit à Dieu : « Seigneur, je vous prie de considérer que je ne parle facilement ni d’hier, ni d’avant-hier, ni depuis que vous avez commencé de parler à votre serviteur » on voit qu’il avait la ferme confiance que Dieu pouvait, si c’était son bon plaisir, lui accorder tout-d’un-coup le don de la parole, puisqu’il ajoute : « ni depuis que vous avez commencé de parler à votre serviteur. » Celui, pensait-il, qui jusque-là n’avait pas eu le don de la parole, pouvait tout d’un coup l’acquérir, dès lors que Dieu s’entretenait avec lui.

VIII. (Ib. 4, 11.) Sur ces mots : « C’est Dieu qui a fait le muet, etc. » — « Qui a fait le muet et celui qui entend, celui qui voit et celui qui est aveugle ? N’est-ce pas moi, le Seigneur Dieu ? » Il en est qui font un reproche à Dieu, ou plutôt à l’Ancien-Testament, d’avoir dit que c’est Dieu qui a fait l’aveugle et le muet. Que pensent-ils donc de cette parole si nette de Notre-Seigneur Jésus-Christ dans l’Évangile : « Je suis venu pour que ceux qui ne voient point, voient, et que ceux qui voient, deviennent aveugles[6] ? » Mais quel homme, à moins d’être insensé, croira qu’il puisse exister dans son semblable un défaut corporel, contrairement à la volonté divine ? Au surplus, personne ne doute que Dieu est juste dans toutes ses volontés.

IX. (Ib. 4, 12.) Le commencement même de la volonté est l’œuvre de la grâce. — Lorsque le Seigneur dit a Moïse ; « Va maintenant, et j’ouvrirai ta bouche, et je t’apprendrai ce que tu auras à dire », on voit aisément dans ce passage qu’il appartient à la volonté et à la grâce de Dieu, non

  1. Phi. 3, 20
  2. Cont. Faustus liv. 22, ch. 60, et suiv.
  3. Act. 8, 25
  4. Isa. 9, 6
  5. Gen. 18, 20
  6. Jn. 9, 39