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buvant avec eux : car ces jours furent assurément des jours de grande joie. Il ne faut pas croire non plus que les Septante, dont la traduction fait autorité dans l’Église, aient commis une erreur, en disant, non point ; Encore quarante jours, mais : Encore trois jours, et Ninive sera détruite. Revêtus en effet d’une autorité supérieure à celle des interprètes ordinaires, et doués de cet esprit de prophétie qui explique comment, par un vrai miracle, ils se sont trouvés parfaitement d’accord dans leurs interprétations, ils ont mis « trois jours » bien qu’ils sussent qu’on lisait dans l’hébreu « quarante jours » par là ils ont voulu nous faire comprendre que les péchés ont été remis et effacés dans la glorification de Notre-Seigneur Jésus-Christ ; cal – il est dit de lui : « Qu’il a été livré pour nos péchés, et qu’il est ressuscité pour notre justification[1]. » Or, la glorification du Seigneur se montre dans sa Résurrection et dans son Ascension au ciel. De là vient qu’il a donné le même et unique Esprit-Saint à ses disciples, bien que ceux-ci fussent nombreux : la première fois, après sa résurrection[2], la seconde fois, après son Ascension[3]. Et parce qu’il est ressuscité le troisième jour, et monté au ciel le quarantième, le dernier de ces évènements se trouve signifié par le nombre marqué dans les exemplaires hébreux ; quant à l’autre évènement, les Septante, ne s’en tenant point à une interprétation servile, mais parlant avec l’autorité des prophètes, ont voulu le marquer par les trois jours, qui, selon eux, furent consacrés au jeûne des Ninivites. Ne disons pas que l’un des deux récits est fautif et ne prenons pas fait et cause pour une version contre une autre, puisque ceux qui ont interprété l’hébreu nous prouvent que leur interprétation est conforme au texte original et que d’ailleurs l’autorité dès Septante, si recommandable à nos yeux par le miracle prodigieux que Dieu fit en leur faveur, s’appuie dans son Église sur une si haute antiquité.
CLXX. (Ib. 50, 5.) Sur le sépulcre de Jacob.
– Lorsque Joseph envoie les premiers de l’Égypte dire de sa part à Pharaon – « Mon père m’a fait jurer et m’a dit : Tu m’enseveliras dans le monument que je me suis creusé au pays de Chanaan » où est, dira-t-on peut-être, la vérité dans ces paroles, puisque nous ne lisons pas que Jacob les ait prononcées lorsqu’il dictait sa volonté relativement à sa sépulture ? Mais comme nous l’avons déjà observé plus haut, à propos des paroles et des récits qui sont des redites, il faut avant tout s’attacher au sens. Car énoncer la pensée et la faire connaître ; tel est l’usage auquel doit servir la parole. Or, que Jacob se soit creusé un sépulcre, nous ne le lisons nulle part dans les chapitres précédents. Mais l’Écriture ne le dirait pas, si réellement Jacob ne s’était préparé un sépulcre dans la terre de Chanaan.
CLXXI. (Ib. 50, 10.) Raison mystérieuse du chemin qu’on suivit pour aller ensevelir Jacob.
– Que signifie ce passage, où l’Écriture raconte le chemin qu’on suivit pour aller ensevelir Jacob : « Et ils arrivèrent à l’aire d’Atad, qui est au-delà du Jourdain » ? Au témoignage des hommes compétents, ils se portèrent à plus de cinquante mille au-delà du lieu réservé à la sépulture du mort : tel est en effet, approximativement, la distance qui sépare l’endroit où il est dit qu’ils arrivèrent, de celui où furent ensevelis les Patriarches au nombre desquels il faut compter Jacob. Et après avoir beaucoup pleuré et gémi en cet endroit, ils repassèrent le Jourdain pour revenir à l’endroit qu’ils avaient dépassé. On dira peut-être qu’afin d’éviter la rencontre de quelque ennemi, ils suivirent avec le corps de Jacob le chemin du désert, où passa à son tour le peuple d’Israël à sa sortie d’Égypte, sous la conduite de Moïse. Ce chemin forme effectivement un circuit considérable, et aboutit, en traversant le Jourdain, au lieu qui porte le nom d’Abraham[4], et qui servit de sépulture aux corps des Patriarches, en d’autres termes, à la terre de Chanaan. Mais de quelque manière que ce voyage se soit accompli, ce n’est pas, croyons-le, sans une raison mystérieuse qu’on se porta si loin vers l’Orient au-delà du lieu de la sépulture, pour y revenir ensuite à travers le Jourdain : Israël devait un jour, dans la personne de ses enfants, se transporter en ce pays en traversant le même fleuve.
CLXXII. (Ib. 50, 10, 3.) Sur le nombre sept.
– « Et il fit à son père un deuil qui dura sept jours. » Je ne sache pas qu’on trouve dans l’Écriture, à l’occasion de la mort d’un saint personnage, un deuil célébré pendant neuf jours, ce que les latins appellent les Novandiales. Si donc il est des chrétiens qui observent, à la mort des leurs, ce nombre en usage surtout parmi les païens, il faut, à moi avis, leur défendre cette coutume. Quant au nombre sept, il fait autorité dans l’Écriture ; c’est pourquoi il est écrit ailleurs : « On pleure un mort pendant sept jours ; mais un

  1. Rom. 4, 25
  2. Jn. 20, 22
  3. Act. 2, 2-4
  4. Voir ci-dessus, Quest. CLXI