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ce commandement de l’autre sont assurément justes. Aussi Dieu dit-il en créant l’homme Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblante et qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tous les animaux de la terre[1]. » Ces paroles donnent à entendre que la raison doit avoir l’empire sur tout ce qui n’est point raisonnable. Mais que l’homme devienne l’esclave de l’homme, c’est le péché ou l’adversité qui en sont la cause le péché suivant ces paroles : « Chanaan sera maudit, il sera le serviteur de ses frères[2] » l’adversité, comme il arriva même à Joseph, qui, vendu par ses frères, devint l’esclave d’un étranger[3]. C’est pourquoi les premiers esclaves, ceux pour qui la langue latine créa ce nom, furent des victimes de la guerre. L’homme vaincu par son semblable, pouvait, en vertu du droit de la guerre, être mis à mort ; conservé à la vie, servatus, il fut appelé esclave, servus ; on lui donna aussi le nom de mancipium, parce qu’il avait été t’ait captif à main armée. L’ordre naturel veut aussi que dans la société les femmes obéissent aux maris, et les enfants aux parents : il est juste, en effet, que la raison la plus faible se soumette à la raison la plus forte. En fait de commandement et d’obéissance, il est donc évidemment de la justice que ceux qui l’emportent par la raison, l’emportent aussi par le commandement : et quand cet ordre est troublé en ce monde, soit par l’iniquité de l’homme, soit par les différentes espèces d’animaux, les justes supportent ce dérèglement dans le temps, assurés qu’ils jouiront dans L’éternité d’un bonheur parfaitement conforme à l’ordre.
CLIV. (Ib. 46, 34.) Les Égyptiens, figure du monde présent.
— « Car tout pasteur de brebis est un objet d’abomination pour les Égyptiens. » Que les Égyptiens, figure du siècle présent où abonde l’iniquité, aient en abomination tous les pasteurs de troupeaux, c’est dans l’ordre : car le juste est un sujet d’abomination pour le méchant.


CLV. (Ib. 47, 5-6.) Répétition.
– « Or Jacob et ses fils vinrent en Égypte auprès de Joseph : et Pharaon, roi d’Égypte, en eut connaissance, et Pharaon, parlant à Joseph, lui dit : Ton père et tes frères sont venus vers toi ; voici devant toi la terre d’Égypte ; établis ton père et tes frères dans la partie la meilleure du pays. » Ce n’est, pas comme il arrive souvent, la répétition d’un fait déjà raconté que l’on rappelle brièvement et d’une manière obture ; rien de plus clair que cette répétition. L’Écriture avait déjà dit les circonstances de la présentation des frères de Joseph à Pharaon, les paroles que ce prince leur adressa, les réponses que ceux-ci lui firent[4] ; maintenant l’écrivain sacré reprend son récit comme au début, et le relie à ce qui précède par les paroles que Pharaon fait entendre à Joseph en particulier. Dans les exemplaires grecs écrits de la main des copistes les plus habiles, on remarque à certains passages du récit de tous ces évènements, de petites broches, qui indiquent ce qui manque dans l’hébreu et se trouve dans les Septante ; d’autres passages sont marqués d’astérisques, pour indiquer ce qui se trouve dans l’hébreu et manque dans les Septante.
CLVI. (Ib. 47, 9.) La vie de ce monde n’est qu’une demeure passagère.
– Pourquoi Jacob dit-il à Pharaon : « Les années de ma vie, que je passe en étranger ? » Car ainsi porte le texte hébreu, tandis que le texte latin porte : que je passe, ou que j’ai, ou tout autre terme équivalent. S’il dit : que je passe en étranger, est-ce parce qu’il vint au monde dans un pays où son peuple n’habitait pas encore, bien que Dieu eût promis de le lui donner en héritage, et qu’en ce sens, la vie qu’il menait était véritablement celle d’un étranger, non seulementlorsqu’il voyageait en Mésopotamie, mais lors même qu’il était dans le pays où il vit le jour ? Ou plutôt ses paroles n’ont-elles pas le sens de ces mots de l’Apôtre : « Tant que nous sommes dans ce corps, nous voyageons loin du Seigneur[5] » et de ce passage du Psaume, que l’on entend de la même manière : « Je suis un étranger sur la terre, et voyageur comme mes pères[6] ? » En effet Jacob dit encore en parlant des jours de sa vie : « Ils n’ont pas égalé les jours de la vie que mes « pères ont passés en étrangers. » Au lieu de ces dernières expressions les exemplaires latins portent : « Qu’ils ont vécu » le sens est évidemment le même, et par conséquent Jacob a voulu dire que cette vie est un exil sur la terre, c’est-à-dire, une demeure passagère. Pour moi, je crois que ces paroles ont leur véritable application dans les Saints, à qui le Seigneur promet une autre patrie, dont la durée sera éternelle. On voit aussi par là dans quel sens il est dit des impies : « Ils resteront comme étrangers et cacheront, ils observeront mes démarches[7]. » C’est à eux que convient

  1. Gen. 1, 26
  2. Gen. 9, 25
  3. Gen. 37, 28-36
  4. Gen. 45, 16-20
  5. 2Co. 5, 6
  6. Psa. 38, 13
  7. Psa. 55, 7