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cette manière les noms des nations seraient conformes aux noms des enfants d’Israël, plutôt que les noms de ces derniers, conformes à ceux des nations qui n’eurent d’existence que dans la suite. Il faut donc noter cette expression, car il est dit encore plus loin qu’ils furent « douze princes selon leurs nations. »
LXXII. (Ib. 25, 22.) Rébecca consulte le Seigneur.
– Il est rapporté que Rébecca alla consulter le Seigneur, lorsque ses enfants tressaillaient dans son sein. Mais où est-elle allée ? Il n’y avait pas alors de prophètes, pas de prêtres non plus pour le service du tabernacle ou du temple du Seigneur. Où alla-t-elle donc, si ce n’est à l’endroit où Abraham avait établi un autel ? Cette question préoccupe justement. Mais l’Écriture se tait absolument sur la manière dont elle y reçut la réponse de Dieu. Serait-ce par l’intermédiaire d’un prêtre ? Mais si ce prêtre existait, il serait incroyable qu’il ne fût pas nommé, et qu’il ne fût alors fait aucune mention de quelques prêtres. Serait-ce que par hasard, après avoir exprimé leurs vœux dans la prière, ils se livraient au sommeil en cet endroit, pour y recevoir des avertissements en songe ? Ou bien Melchisédech, cet être si parfait que plusieurs ont mis en doute s’il fût un homme ou un ange, vivait-il encore à cette époque ? Y avait-il, même en ce temps-là, des hommes de Dieu par qui on pût interroger le ciel ? Quoi qu’il en soit de ces hypothèses, yen eût-il quelque autre encore qui aurait échappé à ma mémoire, il est certain que l’Écriture ne peut mentir, quand elle dit que Rébecca alla consulter le Seigneur, et que le Seigneur lui répondit.
LXXIII. (Ib. 25, 23.) Sens mystique de la réponse faite à Rébecca.
– Le Seigneur répondit à Rébecca : « Deux nations sont dans tes entrailles, et deux peuples sortant de ton sein seront divisés, et l’un de ces peuples l’emportera sur l’autre, et l’aîné sera assujetti au plus jeune. » L’aîné, suivant le sens spirituel, est la figure des hommes charnels, et le plus jeune, la figure des hommes spirituels, parmi le peuple de Dieu : car, dit l’Apôtre, « ce n’est pas ce qui est spirituel qui vint d’abord, mais ce qui est animal ; ce qui est spirituel vint ensuite[1]. » Ces paroles s’entendent encore en ce sens qu’Esaü figure le peuple aîné de Dieu, c’est-à-dire les Israélites selon la chair, tandis que Jacob figure sa propre descendance spirituelle. L’histoire vient à son tour compléter cette réponse faite par Dieu ; quand elle rapporte que le peuple d’Israël, c’est-à-dire Jacob, le plus jeune ; surmonta les Iduméens, c’est-à-dire la nation issue d’Esaü, et les rendit tributaires au temps de David. Les Iduméens demeurèrent longtemps en cet état, jusqu’au roi Joram, sous le règne duquel ils se révoltèrent et se délivrèrent du joug des Israélites, conformément à ce qu’avait prédit Isaac lui-même, après qu’il eut béni le plus jeune à la place de l’aîné : car il fit cette promesse à l’aîné quand ensuite il le bénit[2].
LXXIV. (Ib. 25, 27.) Sur ces mots : Jacob était un homme simple.
– « Or Jacob, était un homme simple, demeurant à la maison » Le mot grec aplastos a été traduit par le mot simple. Or,apastos signifie proprement sans artifice ; aussi plusieurs interprètes latins ont-ils traduit : sans artifice, et ils disent : «Jacob était un homme sans artifice, demeurant à la maison. » C’est donc une grande question de savoir comment sans artifice il a pu se faire donner par artifice la bénédiction paternelle. Mais l’Écriture s’est servie de ce terme pour signifier quelque chose de grand. En effet, ce qui nous conduit surtout à découvrir des choses spirituelles dans ce passage, c’est précisément que celui qui usa d’artifice n’en était point capable. Nous avons suffisamment développé, dans un sermon adressé au, peuple, notre sentiment à ce sujet[3].


LXXV. (Ib. 26, 1.) Famine arrivée au temps d’Isaac.
– « Il arriva une famine en ce pays, outre celle qui arriva auparavant au temps d’Abraham ; et Isaac s’en alla à Gérare, vers Abimélech, roi des Philistins. » En quel temps, demande-t-on ? Est-ce après qu’Esaü eut vendu son droit d’aînesse pour un repas de lentilles ? Car, après le récit de ce trait vient celui : de la famine. Ou bien, comme il arrive souvent, le narrateur ne reprend-il pas son sujet où il l’a laissé, après avoir parlé du fils d’Isaac et du plat de lentilles ? Ce qui porte à le croire, c’est qu’on retrouve ici le même Abimélech, qui avait déjà aimé passionnément Sara ; on revoit aussi le favori et le chef de l’armée de ce prince, dont il fut alors fait mention : pouvaient-ils être encore en vie ? Quand Abimélech devint l’ami d’Abraham, Isaac n’était pas encore né, mais il était déjà promis. Supposons que cette alliance eut lieu un an avant la naissance d’Isaac. Isaac eut ses fils à l’âge de soixante ans ; or, ceux-ci étaient des

  1. 1Co. 15, 48
  2. Gen. 27, 40
  3. Sermon 4, n°. 16-24. tom. VI