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— « Or, Loth sortit de Ségor et demeura sur la montagne. » Je m’étonne si cette montagne, sur laquelle il monta de son propre mouvement, n’est pas celle qu’il refusa de gravir, quand le Seigneur l’en avertit. Ou ce n’en est pas une autre, ou rien ne le fait supposer.

XLVII. (Ib. 19, 30.) Sur le peu de foi de Loth. — « Car il eut peur de demeurer à Ségor. » Le Seigneur, par égard pour la faiblesse et la frayeur de Loth, lui avait accordé la ville de son choix, et lui avait donné l’assurance que cette ville serait épargnée à cause de lui : cependant Loth eut peur encore d’y demeurer ; tant sa foi était peu robuste.

XLVIII. (Ib. 20, 2.) Beauté de Sara. — « Or, Abraham dit de Sara, sa femme : Elle est ma sœur. Il n’osa dire : Elle est ma femme, dans la crainte que les habitants de la ville ne le missent à mort à cause d’elle. » Comment, à cet âge, la beauté de Sara pouvait-elle inspirer des craintes à Abraham ? Mais il faut plutôt admirer la vigueur de cette beauté, qui pouvait encore avoir des charmes, que de voir ici quelque difficulté sérieuse.

XLIX. (Ib. 20, 6.) Paroles de Dieu à Abimélech. — « Je t’ai préservé de pécher contre moi » dit le Seigneur à Abimélech, quand il avertit ce prince que Sara n’était point la sœur d’Abraham, mais sa femme. Il faut noter et observer ici qu’on pèche contre Dieu, quand on se rend coupable de chutes qui passent pour légères aux yeux des hommes ; tels sont les péchés de la chair. Et quand le Seigneur lui dit : « Voilà que tu mourras » il faut observer que Dieu annonce comme devant se réaliser indubitablement ce qu’il dit pour engager à éviter le péché.

L. (Ib. 21, 8.) Sur le festin que fit Abraham quand on sevra son fils. — Pourquoi Abraham fit-il un festin, non pas le jour de la naissance de son fils, ni le jour où il fut circoncis, mais le jour où on le sevra ? Si l’on ne découvre pas ici quelque sens spirituel, la question reste sans solution. Ce fait signifie donc qu’une grande joie doit éclater, lorsque l’homme, arrivé à l’âge spirituel, est devenu un homme tout nouveau, c’est-à-dire, différent de ceux à qui l’Apôtre dit : « Je vous ai nourris de lait, non de viande ; parce que vous n’en étiez pas capables ; et à présent même vous ne l’êtes pas encore, parce que vous êtes encore charnels[1]. »

LI. (Ib. 21, 10.) Sur ces mots prophétiques : Chassez cette servante et son fils, etc. — Lorsque Sara dit : « Chassez cette servante et son fils, car le fils de cette servante ne sera point héritier avec mon fils Isaac » pourquoi Abraham, s’attriste-t-il, puisque c’était une prophétie qu’il devait assurément mieux connaître que Sara ? Mais il faut comprendre ou que Sara tint ce langage en vertu d’une révélation qu’elle reçut la première, et qu’Abraham, instruit seulement dans la suite par le Seigneur, céda à l’émotion de l’affection paternelle envers son fils ; ou que tous deux ignorèrent d’abord le dessein de Dieu, et que Sara prononça cette parole prophétique, sans en savoir le sens, comme une femme blessée au cœur par l’orgueil de sa servante.

LII. (Ib. 21, 13.) Ismaël, enfant de la chair, Isaac, enfant de la promesse. — Il faut noter qu’Ismaël, lui aussi, reçut de Dieu la qualification de fils du sang d’Abraham, en raison de l’interprétation suivante que l’Apôtre nous donne de ces paroles : « C’est d’Isaac que sortira la race héritière de ton nom : c’est-à-dire ce ne sont pas les enfants nés de la chair, mais les enfants de la promesse, qui sont réputés de cette race[2]. » Isaac est donc proprement le fils en sa qualité, non de fils de la chair, mais de fils de la promesse relative à toutes les nations.

LIII. (Ib. 21, 14.) Renvoi d’Agar et d’Ismaël. — « Or Abraham se leva dès le matin, et il prit des pains et une outre d’eau, les donna à Agar, et les lui mit sur les épaules ; et l’enfant, et la renvoya. » On demande ordinairement comment il put mettre sur les épaules d’Agar un enfant de cette taille. Car Ismaël fut circoncis à l’âge de treize ans, avant la naissance d’Isaac ; Abraham avait alors quatre-vingt-dix-neuf ans, et à la naissance d’Isaac il avait atteint sa centième année. Or, quand Ismaël jouait avec Isaac et contrista Sara, ce dernier était sans doute déjà grand, puisqu’il était sevré : Ismaël devait donc avoir plus de seize ans, lorsqu’il fut chassé de la maison paternelle avec sa mère. De plus, quand même on admettrait que cette circonstance du jeu d’Ismaël avec le petit enfant doit se rapporter par mode de récapitulation, à l’époque où Isaac n’était pas encore sevré, il n’en serait pas moins toujours absurde de croire qu’un enfant de plus de treize ans eût été mis sur les épaules de sa mère, avec une outre et des pains. La question se résout très facilement, si nous ne sous-entendons pas : il mit sur les épaules, mais : il donna. Car selon le texte, Abraham donna à la mère de l’enfant une outre et des pains qu’elle plaça sur

  1. 1Co. 3, 2
  2. Rom. 9, 7-8