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CHAPITRE XXI. IL SERAIT IMPOSSIBLE QUE LE CHRIST N’EUT PAS PAYÉ LA DÎME, S’IL AVAIT ÉTÉ RENFERMÉ AVE SON AME DANS LA PERSONNE D’ABRAHAM.


37. On va peut-être me dire : Si le Christ a pu être implicitement renfermé avec son corps dan la personne d’Abraham sans être soumis à la dîme, pourquoi n’aurait-il pu y être également avec son âme sans être condamné à ce tribut Je réponds : parce que, la substance de l’âme étant simple, il est impossible qu’elle s’accroisse comme font les corps ; c’est un point que reconnaissent les auteurs mêmes qui considèrent l’âme comme corporelle, opinion à laquelle appartiennent la plupart de ceux qui croient, que les âmes sont produites de celles des parents. Or, dans la semence d’où naît le corps il peut y avoir un principe invisible, destiné à présider à son développement harmonieux, principe que l’intelligence et non les yeux, distingue de la matière visible et palpable. Le volume même du corps humain par sa disproportion avec le germe dont il vient fait assez voir qu’il est possible d’emprunter a corps des éléments qui contiennent la matière visible et non l’invisible principe de la reproduction, comme l’a fait le Christ, dont la chair s’est formée par un effet surnaturel, sans se propager aux dépens d’un père et d’une mère. Mais qui oserait dire de l’âme qu’elle contient un germe composé à la fois d’une matière visible et d’un principe invisible ? Du reste à quoi bon se travailler pour formuler une vérité que la parole toute seule est incapable de démontrer, à moins qu’on ne s’adresse à un esprit vif qui devance la parole et qui n’attend pas tout de la clarté des mots ? Voici donc ma conclusion : Si l’âme du Christ s’est formée d’une autre âme, comme on l’a cru peut-être, quand nous ne parlions que de son corps, elle s’en est propagée sans contracter la souillure originelle ; mais si elle n’a pu s’en propager sans contracter cette tache, c’est qu’elle n’en vient pas. Quant à la question de savoir si les autres âmes viennent des parents ou d’en haut, le démontre qui pourra. Je flotte d’une opinion à l’autre, sans pouvoir fixer ma pensée, ferme uniquement sur ce point, que l’âme n’est ni un corps, ni une organisation ou, comme disent les Grecs l’harmonie de parties matérielles ; voile ce que tout le verbiage du monde ne fera jamais entrer dans mon esprit aidé de la grâce de Dieu.

CHAPITRE XXII. D’UN PASSAGE DE SAINT JEAN : PEUT-IL S’EXPLIQUER DANS LES DEUX HYPOTHÈSES ?


38. Il y a dans l’Écriture un autre passage que nous ne devons pas oublier et sur lequel peuvent s’appuyer ceux qui prétendent que les âmes viennent d’en haut ; le Seigneur a dit lui-même ? « Ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de l’esprit est esprit[1]. » Peut-on trouver un témoignage plus précis, dit-on, pour prouver que l’âme ne naît pas de la chair ? Qu’est-ce en effet que l’âme, sinon l’esprit de vie, créé et non créateur ? À ce raisonnement les adversaires en opposent un autre. Eh ! Prétendons-nous autre chose, s’écrient-ils, nous qui disons que la chair vient de la chair, l’âme de l’âme ? L’homme en effet est composé d’un corps et d’une âme, et nous soutenons que le corps naît du corps par la génération, l’esprit de l’esprit par la concupiscence. Encore oublient-ils de nous dire que les paroles du Seigneur ont trait, non à la génération matérielle, mais à la régénération spirituelle.

CHAPITRE XXIII. QUELLE EST L’HYPOTHÈSE LA PLUS VRAISEMBLABLE ? ##Rem DE LA COUTUME OU EST L’ÉGLISE DE BAPTISER LES ENFANTS.


39. Après cette discussion, telle que nous l’ont permise et le temps et nos forces, je conclurais que les raisonnements et les témoignages de l’Écriture ont une valeur égale ou presque égale dans les deux hypothèses, si la coutume où est l’Église de baptiser les petits enfants, ne me faisait pencher en faveur de l’opinion selon laquelle les âmes émanent de celles des parents ; je ne vois aucune réponse à faire à cette opinion sur ce point ; si Dieu m’envoie ensuite quelque lumière, s’il accorde même la grâce d’écrire aux docteurs qui se préoccupent de ces questions, je le verrai avec plaisir. Aujourd’hui toutefois je déclare que l’argument tiré du baptême des petits enfants est très sérieux, afin qu’on s’occupe de le réfuter, s’il est faux. Car, ou nous devons abandonner cette question et croire qu’il suffit pour la foi de savoir le but où nous conduira une

  1. Jn. 3, 6