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CHAPITRE III.

DE LA CRÉATION DES ARBRES DANS LE PARADIS. RETOUR SUR LA CRÉATION DES PLANTES LE TROISIÈME JOUR.

6. Donc « Dieu planta le paradis d’Eden (c’est-à-dire, de délices), vers l’Orient et y plaça l’homme qu’il avait créé. » Tel est le récit de l’Écriture et tels sont les faits. L’Écrivain sacré reprend alors sa pensée pour la développer et pour montrer comment cette œuvre s’est accomplie, en d’autres termes, comment Dieu a planté ce parc et y a établi l’homme. Il ajoute en effet : « Dieu fit encore produire à la terre toute espèce d’arbres beaux à voir et qui donnaient des fruits délicieux. » Remarquez qu’il ne dit pas que Dieu créa des arbres d’une espèce nouvelle ou le reste des arbres. En effet, la terre avait déjà produit les arbres ou plantes de toute espèce qui présentaient une vue charmante et des fruits délicieux ; cette création avait eu lieu au troisième jour, et voilà pourquoi Dieu avait dit au sixième : « Je vous ai donné toute espèce d’herbes portant semence qui est sur la terre, tout arbre fruitier, portant semence, pour vous servir de nourriture[1]. » Dieu leur aurait-il donné une chose et voulu ensuite leur en donner une autre ? Je ne puis le croire. Les arbres qui furent créés dans le Paradis appartenant aux espèces de ceux que la terre avait produits le troisième jour, sortirent également de la terre au moment qui leur avait été fixé : en effet, les productions de la terre au troisième jour représentaient dans l’Écriture la cause virtuelle de ces productions créée au sein de la terre, en d’autres termes, le sol avait alors reçu ce principe de fécondité qui se développe encore aujourd’hui en productions toutes semblables, à l’époque qui leur a été assignée pour apparaître au jour.

7. Par conséquent ces paroles de Dieu au sixième jour : « Voici que je vous ai donné toute espèce d’herbes portant semence, toute espèce d’arbres fruitiers portant semence, afin qu’ils vous servent de nourriture » n’ont été ni des sons, ni une succession de syllabes : elles ont été prononcées par la puissance créatrice telle qu’elle réside dans le Verbe. Mais pour faire entendre à l’homme ce que Dieu a dit sans employer de sons successifs, il fallait bien recourir à une série de sons. C’était à une époque postérieure que l’homme, formé du limon de la terre et animé du souffle divin, devait avec sa postérité prendre pour aliments les productions que la terre ferait sortir de son sein, en vertu du principe de fécondité dont elle avait été déjà enrichie. Ainsi Dieu, en créant les causes qui contenaient en principe tout l’avenir, se parlait comme si l’avenir eût déjà existé, au sein de cette vérité tout intérieure que l’œi1 n’a point vue, que l’oreille n’a point entendue et que l’Esprit-Saint a révélé à l’écrivain inspiré.

CHAPITRE IV.

DE L’ARBRE DE VIE : QU’IL EST TOUT ENSEMBLE UN ARBRE RÉEL ET LE SYMBOLE DE LA SAGESSE[2].

8. Quant aux expressions qui suivent : « L’arbre de vie au milieu du jardin et l’arbre de la connaissance du bien et du mal » il faut les peser avec attention, si on ne veut pas être entraîné à voir sous ces mots un symbole en dehors de toute réalité. Il est écrit de la Sagesse « qu’elle est l’arbre de vie pour tous ceux qui l’embrassent.[3] » Cependant, quoiqu’il y ait au ciel une Jérusalem éternelle, il n’en a pas moins existé sur la terre une cité qui la représentait. Sara et Agar, tout en étant les symboles des deux Alliances, n’en ont pas moins été deux femmes[4]. Jésus-Christ par les mérites de sa passion sur la croix nous arrose de son sang ; mais le rocher dont Moïse fit sortir une source d’eau vive, pour apaiser la soif du peuple, ne cesse pas d’avoir été un rocher véritable, parce qu’il était, selon l’Apôtre, « la figure de Jésus-Christ[5] ». Le sens allégorique de ces évènements est sans doute fort distinct de leur vérité historique ; mais il n’empêche pas qu’ils aient eu lieu. À l’époque où l’écrivain les racontait, il ne composait pas de symboles ; il faisait un récit exact de faits destinés à figurer ceux qu’ils précédaient. Il y a donc eu un arbre de vie, comme il a existé un rocher figure de Jésus-Christ : Dieu n’a pas voulu que, l’homme vécut dans le Paradis, sans offrir à ses yeux quelques images matérielles des choses de l’esprit. Le reste des arbres fournissaient des aliments, celui-ci contenait de plus un mystère ; il représentait la Sagesse dont il a été dit « qu’elle est l’arbre de vie » au même titre que Jésus-Christ est le rocher d’où jaillit l’eau pour ceux qui l’aiment. Il est le rocher, dis-je,

  1. Gen. 1,29
  2. Gen. 2,9
  3. Pro. 3,18
  4. Gal. 4,24-26
  5. 1Co. 10,4