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fût animal avant le péché, et qu’il serait devenu spirituel, quand Dieu l’aurait voulu, après une vie consacrée à la justice.

CHAPITRE XXIV. COMMENT L’HOMME EN SE RÉGÉNÉRANT RECOUVRE-T-IL LE PRIVILÈGE PERDU PAR ADAM ?


35. Mais, dira-t-on, à quel titre sommes nous régénérés, si nous ne recouvrons pas ce qu’a perdu Adam, en qui meurent tous les hommes ? Distinguons parmi les privilèges d’Adam. Nous ne recouvrons point assurément l’immortalité des corps spirituels et glorieux : aucun homme ne l’a encore reçue ; mais nous recouvrons la justice dont l’homme fut déchu à la suite du péché. Ainsi nous dépouillerons l’antique péché et notre corps sera réparé, non sous la forme du corps animal qui fut celui d’Adam, mais sous une forme plus glorieuse, celle du corps spirituel, quand nous serons devenus égaux aux anges[1], capables d’habiter le séjour céleste où nous n’aurons plus besoin d’une nourriture corruptible. Ainsi c’est dans l’intérieur de notre âme que nous sommes renouvelés[2], que nous recouvrons cette ressemblance avec le Créateur qu’Adam perdit en péchant. Notre chair se renouvellera aussi lorsque ce corps corruptible se revêtira d’incorruptibilité pour devenir spirituel, tel que n’était pas le corps d’Adam, mais tel qu’il fût devenu, si le péché n’eût entraîné pour lui la nécessité de voir son corps animal se dissoudre.
36. Enfin l’Apôtre ne dit pas « le corps est mortel », mais : « Le corps est mort à cause du péché. »

CHAPITRE XXV. LE CORPS D’ADAM ÉTAIT A LA FOIS MORTEL ET IMMORTEL.


Aussi le corps d’Adam avant le péché pouvait être regardé comme mortel sous un rapport et immortel, sous un autre : j’entends par là qu’il pouvait mourir et ne pas mourir. Il y a en effet une différence profonde entre le privilège de ne pouvoir mourir, tel que Dieu l’a donné à certains êtres essentiellement immortels, et celui de pouvoir ne pas mourir, tel que Dieu l’accorda au premier homme en le faisant immortel. L’homme empruntait cette immortalité à l’arbre de vie, il ne la tenait pas de la nature : il fut éloigné de cet arbre après sa faute, et la mort qui n’aurait point eu lieu sans le péché, devint possible. Ainsi donc l’organisation de son corps animal l’exposait à la mort ; s’il était immortel, il le devait à la bonté du Créateur. Le corps étant animal, était par là même mortel, en ce sens qu’il pouvait mourir : il n’était immortel qu’en tant qu’il pouvait aussi ne pas mourir. Quant à l’immortalité qui exclut la possibilité même de mourir, elle sera un attribut du corps spirituel dont nous avons la promesse dans la résurrection. Ainsi le corps d’Adam, animal et pourtant (à cause de cela) mortel, aurait pu devenir, par une vie de justice, spirituel, et dès lors immortel dans le sens absolu du mot le péché n’en fait pas un corps mortel, il l’était déjà, mais un corps mort, ce qui aurait pu n’avoir pas lieu, si l’homme était resté innocent.

CHAPITRE XXVI. DIFFÉRENCE DU CORPS D’ADAM AU NÔTRE.


37. A quel titre l’Apôtre a-t-il pu dire que notre corps était mort, tout en parlant d’êtres encore vivants ? N’a-t-il pas exprimé ainsi la loi qui le condamna à mourir, à la suite du péché que se transmettent les parents ? Le corps humain est aujourd’hui animal comme celui du premier homme, mais dans une condition bien inférieure : il est soumis à la nécessité de mourir, au lieu que celui d’Adam ne l’était pas. Celui-ci avait encore à se modifier, sans doute, et à recevoir la forme spirituelle, et l’immortalité absolue qui devait le soustraire à la nécessité de se nourrir d’aliments corruptibles : toutefois, il pouvait se transformer en substance spirituelle, sans passer par la mort, si l’homme vivait selon les règles de la justice. Pour nous, fussions-nous justes, le corps n’est pas moins condamné à mourir : cette nécessité, conséquence de la faute du premier homme, a fait dire à l’Apôtre que notre corps est mort, parce que nous mourons tous effectivement dans Adam[3] ; ailleurs il s’exprime ainsi : « La vérité en Jésus est de dépouiller, par rapport à la première vie, le vieil homme, « que dépravent les désirs séducteurs » et dont le péché a fait un autre Adam. Remarquez de plus ce qui suit : « Renouvelez-vous dans l’intérieur de votre âme et revêtez l’homme nouveau, qui a été créé à l’image de Dieu dans un esprit de justice et de sainteté véritables[4]; » ce que le péché a fait perdre à Adam.

  1. Mt. 22, 30
  2. Eph. 4, 23
  3. 1 Cor. 15, 22
  4. Eph. 4, 21-24