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il expira plus tard. Il est vrai, ce bienfait lui fut accordé à sa prière : mais Dieu savait dans sa prescience infaillible que sa prière mériterait d’être exaucée, et ce qu’il prévoyait devait nécessairement avoir lieu.

CHAPITRE XVIII. QUE LA FORMATION D’ADAM NE FUT POINT EN DEHORS DES CAUSES PRIMORDIALES.


29. Par conséquent, s’il est vrai que les causes de tout ce qui devait exister aient été mises dans le monde, au moment où le jour se fit et que Dieu créa tout à la fois ; Adam fut formé du limon de la terre, probablement dans toute la vigueur de l’âge, selon le développement régulier des causes où l’homme fut créé parmi les œuvres des six jours. Ces causes impliquaient, en effet, ce mode de formation, non seulement comme possible, mais encore comme nécessaire. Dieu, ayant volontairement établi les causes primitives, n’a point dérogé à cet ordre, non plus qu’à sa volonté même. Au contraire, n’a-t-il point déposé toutes les causes dans la création primitive et en a-t-il gardé quelques-uns dans les mystères de sa volonté ? Les effets de ces dernières ne sont point liés nécessairement aux effets des autres ; cependant les principes que Dieu a voulu se réserver ne sauraient être contraires à ceux qu’il a voulu établir : car la volonté en Dieu ne saurait admettre de contradiction ; il a donc créé les premières de telle sorte que leurs effets soient possibles sans être nécessaires ; quant aux secondes, il les a enfermées dans l’univers, afin qu’elles produisent nécessairement les êtres, puisqu’elles sont la condition première de leur existence.

CHAPITRE XIX. LE CORPS D’ADAM, TEL QUE DIEU LE FORMA, N’ÉTAIT PAS SPIRITUEL, MAIS ANIMAL.


30. On se demande encore si l’homme formé du limon de la terre eut un corps animal semblable au nôtre, ou un corps spirituel, pareil â celui que nous prendrons en ressuscitant. Il est vrai que celui-ci sera une transformation de notre corps actuel : car on sème un corps animal et il en ressuscitera un corps spirituel ; cependant le point important dans la question est de savoir si le corps du premier homme a été un corps animal, parce que nous reprendrons dans ce cas, non le corps que nous avons perdu en lui, mais un corps d’autant plus glorieux que l’esprit l’emporte sur la matière, alors que nous deviendrons les égaux des anges[1]. Les Anges ont une sainteté supérieure aux autres créatures ; sont-ils donc au-dessus du Seigneur, dont le psalmiste a dit : « Vous l’avez fait un peu moindre que les Anges[2] ? » Et d’où vient leur prééminence, sinon de la faiblesse de cette chair que le Seigneur a revêtue dans le sein d’une vierge, prenant la forme de l’esclave pour mourir et nous racheter de la servitude[3]? Mais à quoi bon poursuivre cette discussion ? L’Apôtre, sur ce point, a prononcé son arrêt sans la moindre obscurité : voulant démontrer l’existence du corps animal, il n’a songé ni à son corps ni à celui d’un autre homme, sous sa forme actuelle ; il s’est reporté au passage de l’Écriture que nous commentons et a dit : « Il y a un corps animal et un corps spirituel, selon qu’il est écrit : Adam, le premier homme, a été : fait âme, vivante, et le second Adam, esprit vivifiant. Non d’abord ce qui est spirituel, mais ce qui est animal. Le premier homme, formé de la terre, est terrestre : le second, venu du ciel, est céleste. De même que le premier est terrestre, ainsi le sont tous les habitants de la terre ; et de même que le second est céleste, ainsi les ont tous les habitants du ciel. Comme donc nous avons porté l’image de l’homme terrestre, portons l’image de l’homme céleste[4] » Qu’ajouter à ces paroles ? Nous portons maintenant par la foi l’image de l’homme céleste, et la résurrection nous vaudra la forme même à laquelle aspire notre foi : quant à l’image de l’homme terrestre, nous la, prenons dès le premier moment de notre conception.

CHAPITRE XX. FORMÉ D’ABORD AVEC UN CORPS ANIMAL, ADAM A-T-IL REVÊTU UN CORPS SPIRITUEL DANS LE PARADIS ?


31. Ici se présente une autre question : comment serons-nous renouvelés, si, par la grâce de Jésus-Christ, nous ne sommes pas ramenés à la perfection primitive d’Adam ? Bien que la rénovation consiste souvent, non à revenir à l’état primitif, mais a acquérir un développement plus parfait, le point de départ n’en est pas moins une condition inférieure. Pourquoi ces paroles de l’Évangile : « Mon fils était mort, et il est ressuscité ;

  1. Mt. 22, 30
  2. Ps. 8, 6
  3. Philip, 2, 7
  4. 1 Cor. 15, 44