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à l’âge de la vigueur et de la jeunesse, ou comme l’embryon actuellement encore Dieu forme dans les entrailles maternelles ? Le Créateur d’Adam est le même que celui qui a dit à Jérémie : « Avant de te former dans le sein de ta mère, je te connaissais[1]. » Adam, il est vrai, a pour caractère particulier d’avoir été formé de la terre et de n’avoir point eu de parents ; cependant n’a-t-il pu recevoir en naissant une organisation capable de se développer avec les années et d’acquérir les proportions naturelles qui sont assignées à l’espèce humaine ? Mais ne serait-ce point là une question oiseuse ? De quelque façon que Dieu l’ait formé, il l’a formé comme pouvait et devait le faire un être tout-puissant et sage. Il a en effet déterminé les lois selon lesquelles les êtres sortent de leurs germes et apparaissent avec toutes les propriétés de leur espèce, d’une manière si infaillible que sa volonté domine tout sa puissance a assigné aux créatures leurs limites, mais sans s’y renfermer elle-même. L’Esprit-Saint était porté au-dessus du monde avant sa formation ; il l’est encore maintenant, par sa puissance souveraine, et non dans l’étendue.
24. Qui ne sait que l’eau mêlée à la terre, lorsqu’elle a pénétré dans les racines de la vigile, se transforme en sève et acquiert dans le bois la propriété de se changer en un raisin qui se développe insensiblement ; qu’à mesure que le raisin se gonfle et mûrit, le vin se forme et perd son aigreur, bouillonne même dans la cuve, et fournit enfin, quand il s’est rassis avec le temps, une liqueur plus saine et plus agréable ? Eh bien ! Le Seigneur s’est-il mis en quête de tous ces éléments, le bois, la terre, le temps, lorsqu’il changea, par un prodige instantané, l’eau en vin, et en vin assez exquis pour flatter les convives déjà satisfaits[2] ? Le Créateur du temps a-t-il donc besoin du concours du temps ? Il faut au développement de chaque espèce un certain nombre de jours spécial pour chacune ; ainsi se forment, naissent et grandissent les serpents. Fallut-il attendre tout ce temps avant que la verge se changeât en serpent dans la main de Moïse et d’Aaron[3] ? Quand ces faits s’accomplissent, l’ordre de la, nature n’est interverti que pour nous, qui sommes accoutumés à la voir procéder autrement : il ne l’est pas pour Dieu, dont les œuvres sont la nature elle-même.

CHAPITRE XIV. DES CAUSES DÉPOSÉES DANS LE MONDE A SON ORIGINE.


25. On peut se demander avec.raisonen quel état furent créées les causes que Dieu déposa dans le monde, lorsqu’il fit tout à là fois ? Faut-il les concevoir par analogie avec tous les arbres ou tous les animaux que nous voyons naître, et penser que, pour se former et se développer, elles eurent à traverser une période de temps plus ou moins longue, selon les convenances de l’espèce ? Ou bien se formèrent-elles sur le champ comme Adam, qui fut, pense-t-on, créé dans la vigueur de la jeunesse, sans se développer avec les années ? Mais pourquoi n’admettrions-nous pas qu’elles étaient susceptibles de cette double formation, de façon à se développer selon le mode qui plairait au Créateur ? En effet, si nous n’admettons que le premier mode, il y aura contradiction entre leurs effets et tous les miracles, comme le changement de l’eau en vin, qui s’accomplissent en dehors du cours ordinaire de la nature ; en revanche, si nous n’admettons que le second mode, il sera plus étrange encore de voir les êtres se former chaque jour avec leur organisation spéciale et traverser, contrairement aux causes primordiales dont ils sortent, la période de temps nécessaire à leur développement. Reste donc à admettre qu’elles ont été créées avec la propriété de se former de ces deux manières, l’une ordinaire et avec le concours du temps, l’autre plus rare et merveilleuse, quand il plait à Dieu d’opérer des miracles suivant les circonstances.

CHAPITRE XV. LA FORMATION DE L’HOMME FUT LA CONSÉQUENCE DES CAUSES PRIMITIVES OU IL ÉTAIT CONTENU.


26. Quant à l’homme, sa formation fut la conséquence des causes destinées à faire sortir le premier homme, non de parents antérieurs, mais du limon de la terre, en vertu du principe où il avait été virtuellement créé. En effet, s’il avait été formé autrement, il n’appartiendrait pas aux œuvres que fit Dieu dans la période des six jours ; or, quand on dit qu’il fut créé, on entend que Dieu créa la cause dont il devait sortir au temps marqué, et selon laquelle il avait dû être fait, par Celui qui avait achevé ses ouvrages seulement commencés,

  1. Jer. 1,5
  2. Jn. 2, 9, 10
  3. Exod. 7, 10