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cette double cause est aujourd’hui nécessaire à la production générale des herbes, mais alors elle ne s’exerça pas : Dieu les créa par la puissance de son Verbe, en dehors de toute pluie comme de toute culture. Il les crée sans doute encore aujourd’hui, mais avec le concours de l’homme et de la pluie, « quoique celui qui plante et celui qui arrose ne soient rien, mais Dieu seul qui donné l’accroissement[1]. »
19. Que signifie encore cette source qui jaillissait de la terre et qui en arrosait toute la surface ? Cette source jaillissait avec tant d’abondance, qu’elle aurait pu tenir lieu de pluie à toute la terre, comme fait le Nil en Égypte. Dès lors pourquoi citer comme un miracle que Dieu eût créé les herbes avant qu’il eût plu, quand la source qui inondait la terre produisait le même effet que la pluie ? Lors même que l’herbe eût poussé moins haut, elle n’en aurait pas moins poussé. L’Écriture ici n’abaisserait-elle pas son langage jusqu’à la porté des faibles, selon sa coutume, tout en faisant entendre à ceux qui ont assez de force pour la pénétrer une vérité plus profonde ? Dans le passage qui précède, elle a parlé d’un jour pour nous révéler que Dieu fit un jour et qu’il créa le ciel et la terre quand ce jour fut fait : elle nous faisait ainsi concevoir, dans les limites de notre intelligence, que Dieu créa tout ensemble, quoique la période des six jours semble impliquer des époques bien déterminées ; de même ici, après avoir raconté que Dieu fit, en même temps que le ciel et la terre, toute la verdure des champs, avant qu’elle fût sur la terre, toutes les herbes, avant qu’elles eussent poussé, l’Écriture ajoute : « Dieu en effet n’avait point encore fait tomber la pluie sur la terre et il n’y avait point d’homme qui travaillât la terre » elle semble nous dire Dieu n’a point alors fait les herbes comme il les crée aujourd’hui, avec le concours de la pluie et du travail de l’homme. Elles poussent aujourd’hui dans un certain intervalle de temps ; mais il n’en était pas de même au moment où Dieu créa du même coup tous les êtres, avec lesquels le temps a commencé.

CHAPITRE VII. DE LA SOURCE QUI ARROSAIT LA SURFACE DE LA TERRE.


20. ##Rem d' arrive à ce passage : « Une source jaillissait de la terre et en arrosait toute la surface. » Il indique, selon moi, le moment où se forment, selon les progrès réguliers du temps, les êtres sortis de l’état primitif dans lequel toits avaient été créés. Il était naturel de commencer par l’élément où prennent naissance toutes les espèces d’animaux, d’herbes et d’arbres, pour se développer, dans le temps, selon les proportions qui leur sont assignées. En effet, les semences dont se forment et la chair et le bois sont des liqueurs et se développent dans un milieu liquide : elles renferment des éléments très-actifs et tirent une vertu inépuisable de ces œuvres achevées dont Dieu se reposa le septième jour.
21. Mais quelle est cette source assez riche pour arroser toute la surface de la terre ? C’est une question qui mérite d’être posée. Si elle a existé et qu’elle se soit cachée ou tarie, il faut en découvrir la raison : car, on ne voit plus de source qui arrose ta surface du globe. C’est peut-être par un juste châtiment du péché que cette source merveilleuse a cessé de jaillir, afin d’enlever au sol sa facile fécondité et d’augmenter les peines des hommes. L’esprit humain pourrait s’arrêter à cette conjecture, malgré le silence des livres saints, si une pensée ne s’offrait naturellement à l’esprit : c’est que le péché, qui condamna l’homme au travail, ne fut commis qu’après un séjour délicieux dans le Paradis. Or le Paradis possédait lui-même une source immense„ dont nous parlerons bientôt en détail ; il en sortait, au langage de l’Écriture, quatre grands fleuves, connus des gentils. Où était donc cette source, où étaient ces fleuves, quand une source immense jaillissait de la terre et suffisait pour en arroser la surface ? Assurément un de ces fleuves, le Géon qui passe pour le Nil, n’arrosait point alors l’Egypte, puisqu’une source unique jaillissait de la terre, et inondait non seulement l’Egypte, mais encore la surface du globe.
22. Faut-il croire que Dieu voulut d’abord n’employer qu’une source d’eau immense pour arroser toute la terre, afin que les êtres, dont il avait déposé les germes dans l’eau, se fécondassent à l’aide de cet élément, et acquissent avec le temps un développement tel que le nombre des jours fût dans un juste rapport avec la variété des espèces ? Après avoir planté le Paradis aurait-il arrêté cette source pour multiplier les sources sur la terre, comme nous le voyons aujourd’hui ? De la source unique qui jaillissait : dans le Paradis, aurait-il fait sortir les quatre grands fleuves, afin que le reste de la terre, déjà peuplé

  1. 1 Cor. 3, 7