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tout avec harmonie[1] ? Si donc la Sagesse divine n’atteint pas son but par une suite de démarches et comme par degrés, Dieu a créé l’univers avec la même facilité que la Sagesse exécute les mouvements les plus puissants, puisqu’il a tout créé par elle ; par conséquent, les mouvements que les créatures accomplissent aujourd’hui, pour remplir les fonctions qui leur sont assignées, sont la conséquence des principes et comme le développement des germes que Dieu a répandus en elles du même coup dont il créa l’univers : « Il parla, dit le Psalmiste, et les êtres furent créés ; il commanda, et l’univers parut[2]. »
52. Les êtres ne furent donc point créés avec cette lenteur qui caractérise aujourd’hui leur existence ; les générations, au début, ne mirent point à se former tout le temps qu’elles durent maintenant. En effet, le temps accomplit aujourd’hui des révolutions qui, à l’origine, ne pouvaient être la conséquence de sa nature. Autrement, si nous voulions voir dans les mouvements naturels des êtres et dans les jours actuels la même durée que dans la création primitive, ce ne serait plus un jour, mais une foule de jours qu’aurait exigés pour se développer, dans l’intérieur de la terre, la végétation aux racines sans nombre qui tapisse le sol : il aurait encore fallu plusieurs jours pour lui permettre de se développer en plein air, selon la variété des espèces, et d’acquérir la perfection qu’elle atteignit en un jour, c’est-à-dire, le troisième, d’après le récit de l’Écriture sainte. Combien de jours ne fallut-il pas aux oiseaux pour être capables de voler, s’ils furent créés petits encore et s’ils attendirent, pour avoir leurs plumes et leurs ailes, le temps qu’exige aujourd’hui la nature ? N’y avait-il que les œufs de créés, quand, au cinquième jour, les eaux reçurent le commandement de laisser sortir de leur sein les oiseaux avec toutes leurs variétés ? Si, pour appuyer cette assertion, on fait observer avec justesse que dans la partie liquide des œufs étaient déjà renfermés tous les germes qui se fécondent et se développent en un temps déterminé, par la raison que les principes de la vie étaient déjà mêlés à la matière ; pourquoi ne pas admettre qu’antérieurement aux œufs mêmes, l’eau contenait déjà les germes dont les oiseaux devaient sortir, en se développant dans la période de temps qu’exige leur espèce ? La même Écriture qui raconte que Dieu acheva toutes ses œuvres en six jours, dit ailleurs, sans se contredire, que Dieu a créé tout ensemble[3]. Par conséquent, Dieu ayant tout fait ensemble, a créé à la fois la période des six ou des sept jours, disons mieux, a créé un jour qui s’est renouvelé six ou sept fois. Pourquoi donc distinguer avec tant de rigueur et de précision six jours dans le récit sacré ? La raison en est claire : les esprits qui ne sauraient comprendre « que Dieu ait tout créé ensemble » ne peuvent atteindre le but où l’Écriture les mène, qu’au moyen d’un récit aussi lent que leur intelligence.

CHAPITRE XXXIV. LA CRÉATION EST SIMULTANÉE, SANS CESSER D’ÊTRE DIVISÉE EN SIX ÉPOQUES.


53. Comment soutenir a présent que les six jours n’ont été que la lumière se renouvelant à six reprises différentes dans l’intelligence des Andes, du soir au matin ? Ne suffisait-il pas qu’ils vissent à la fois cette triple révolution du jour, du matin, du soir ? Ne pouvaient-ils pas contempler la création comme elle a été faite, dans son ensemble, et, du même coup, connaître ses principes éternels et invariables, voir les êtres eux-mêmes, enfin s’élever de ces notions plus grossières pour célébrer les louanges du Créateur, en d’autres termes, assister à la fois à l’apparition du jour, du soir et du matin ? Comment le matin survenait-il d’abord, afin d’initier les anges à l’œuvre que Dieu allait accomplir ; comment le soir suivait-il, afin de leur montrer l’être réalisé, si les œuvres ayant été faites toutes ensemble, il n’y avait plus ni antériorité ni postériorité ? Loin de voir là une contradiction, il faut admettre avec l’Écriture que les œuvres divines se sont faites successivement durant six jours et qu’elles se sont faites toutes en même temps : car l’Écriture est infaillible, soit qu’elle raconte la création du monde en six jours, soit qu’elle la proclame simultanée ; elle est une dans ces deux passages, parce qu’elle est écrite partout sous l’inspiration du Saint-Esprit.
54. Toutefois, bien que dans cet ordre d’idées la différence des temps ne marque pas la suite des faits, et qu’on puisse y voir également Soit, la simultanéité, soit l’antériorité ou la postériorité, la simultanéité est plus facile à comprendre. Voici une comparaison. Quand nous regardons le soleil levant, il est clair que nos regards ne peuvent atteindre cet astre qu’à la condition de percer à

  1. Sag. 8, 1
  2. Ps. 32, 9
  3. Sir. 18, 1