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de lumière ; marchons noblement comme en plein jour[1]. » Si toutefois, ce jour comparé à celui où devenus les égaux des anges nous verrons le Seigneur face à face, n’était pas une nuit, nous n’aurions pas ici besoin du flambeau des prophéties. Aussi l’Apôtre Pierre dit-il : « Nous avons la parole prophétique, à laquelle vous faites bien de vous arrêter, comme à une lampe qui luit dans un lieu obscur, jusqu’à ce que le jour commence à paraître et que l’étoile du matin se lève dans vos cœurs[2]. »

CHAPITRE XXIV. DU MODE DE LA PENSÉE CHEZ LES ANGES.


41. Ainsi les anges dont nous deviendrons les égaux après la résurrection[3], si nous marchons, jusqu’à la fin dans la voie, ou dans le Christ, voient Dieu face à face, et jouissent du Verbe, du Fils unique de Dieu, égal à son Père : et c’est en eux que la sagesse a été créée avant tout[4]. On ne peut donc mettre en doute qu’ils n’aient les premiers connu l’ordre de la création, dont ils occupent le rang le plus élevé, par l’entremise du Verbe de Dieu, l’auteur de toutes choses et qui renferme dans son intelligence le dessein éternel, suivant lequel les êtres ont été créés dans le temps. Ils ont connu ensuite ce même ordre dans les créatures qui le réalisaient ; quand ils les ont aperçues comme au-dessous d’eux et qu’ils en ont béni l’immuable vérité, au sein de laquelle surtout ils contemplent le plan de la création. De cette double intention, l’une est analogue à la clarté du jour ; et l’harmonie si parfaite qui s’établit entre eux par la participation à la même vérité, constitua le jour qui fut créé le premier l’autre ressemble à la clarté affaiblie du soir. Le matin succède au soir, et cet ordre est invariable pendant les six premiers jours : c’est que la pensée des anges, loin de rester attachée à la créature, s’en sert pour glorifier, et pour aimer plus vivement Celui qui lui avait révélé le type avant l’ouvrage même ; et le jour règne pendant qu’ils restent fixés dans cette contemplation de la vérité. Supposez en effet que l’ange se soit replié sur lui-même et y ait cherché plus de plaisir que dans le principe même auquel il doit participer pour être heureux, il serait tombé sous le poids de son orgueil comme le démon, dont nous exposerons la chute, lorsqu’il sera question du serpent qui séduisit l’homme.

CHAPITRE XXV. POURQUOI LE MOT NUIT N’EST-IL PAS AJOUTÉ AUX SIX JOURS


42. Les anges connaissent donc la créature telle qu’elle est en elle-même, tout en préférant à cette idée, par choix et par amour, la science que leur communique la Vérité, principe des choses ; voilà pourquoi dans la période des six jours c’est le jour et non la nuit que l’on désigne. Après le soir le premier jour s’accomplit au matin ; il en est de même du second, du troisième et ainsi de suite, jusqu’au matin du sixième, avec lequel commence le septième jour consacré au repos de Dieu. Chaque époque comprend sans doigte un jour et une nuit, mais il n’est question que du jour. En effet la nuit se confond avec le jour pour les saints anges dans les cieux, pendant qu’ils rapportent la connaissance qu’ils ont prise des êtres créés, à la gloire et à l’amour du Dieu en qui ils contemplent les principes éternels de la création. Cette vision sublime où tous les esprits se confondent ensemble est le jour que le Seigneur a fait et auquel l’Eglise affranchie de son pèlerinage ici-bas doit être associée, afin que nous soyons à notre tour remplis en lui de joie et d’allégresse[5].

CHAPITRE XXVI. COMMENT FAUT-IL COMPTER LES SIX JOURS ?


43. C’est donc à l’époque où se renouvela pour la sixième fois le jour, tel qu’il vient d’être expliqué avec ses alternatives du soir et du matin, que la création fut achevée dans son ensemble. Alors survint le matin, pour clore le sixième jour et tout ensemble ouvrir le septième ; celui-ci devait n’avoir jamais de soir, parce que le repos divin n’appartient pas à la création. En effet, à mesure que la création se faisait, les êtres apparaissaient aux anges, tantôt au sein de la Vérité, avant leur formation, tantôt dans la réalité ; la lumière allait ainsi s’affaiblissant et produisait le soir. Il ne faut pas, dans la suite ainsi comprise des œuvres divines, regarder un jour comme un cadre où vient se disposer un ouvrage qui se termine au soir, tandis que le matin inaugure une création nouvelle ; on se condamnerait alors à soutenir, contre le témoignage de l’Écriture, que le septième jour est une création en dehors des six premiers jours,

  1. Rom. 13, 12-13
  2. 2 Pi. 1, 19
  3. Mt. 22, 30
  4. Sir. 1, 4
  5. Ps. 117, 24