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que vous en êtes connus[1]. » Ce n’est pas Dieu qui les avait connus alors, puisqu’il les connaissait avant la création même du monde[2] ; mais comme eux l’avaient connu à ce moment par un bienfait de la grâce, et non par leurs mérites ou leurs propres forces, l’Apôtre a eu recours à une figure de langage, pour leur apprendre qu’ils connaissaient Dieu, en tant qu’il s’était fait connaître à eux ; il a mieux aimé corriger l’expression vraie qu’il avait employée au propre, que de leur laisser croire qu’ils tenaient d’eux-mêmes le privilège qu’ils avaient reçu de Dieu.

CHAPITRE X. PEUT-ON CONCEVOIR LE REPOS EN DIEU ?


20. On trouvera peut-être satisfaisante l’explication que nous venons de donner, et d’après laquelle Dieu s’est reposé de toutes les œuvres qu’il a faites avec tant de perfection, en tant qu’il nous fera goûter le repos à nous-mêmes, lorsque nous aurons fait nos bonnes œuvres. Mais, puisque nous avons entrepris de discuter ce passage de l’Écriture, nous sommes tenus d’examiner si Dieu a pu se reposer en lui-même, tout en admettant que le repos est le gage du repos même que nous goûterons un jour en lui. Or, Dieu a fait lui-même le ciel et la terre et tout ce qu’ils renferment, et il a achevé ses œuvres le sixième jour : loin de nous accorder le pouvoir de créer quoi que ce soit, c’est par nous qu’il a fini, puisqu’il acheva toutes ses œuvres, comme dit l’Écriture, le sixième jour. De même, il ne faut pas voir le repos que Dieu nous fera goûter dans ce passage de l’Écriture : « Dieu se reposa le septième jour de toutes ses œuvres » mais le repos auquel il se livra lui-même, après avoir achevé ses créations. Cette méthode nous révèlera que tout ce qui a été écrit s’est réalisé, et nous aidera ensuite à en saisir le sens métaphorique. Donc, la discussion qui a mis en pleine lumière que les œuvres de Dieu n’appartenaient qu’à lui, exige pour pendant la démonstration que son repos lui est pour ainsi dire personnel.

CHAPITRE XI. LE REPOS DE DIEU AU SEPTIÈME JOUR SE CONCILIE AVEC SAN ACTIVITÉ CONTINUE.


21. Ainsi le motif le plus légitime nous engage à examiner, dans la mesure de nos forces, et à prouver que le passage où Dieu se reposa de ses œuvres, et ces paroles de l’Évangile prononcées par le Verbe créateur lui-même : « Mon Père ne cesse point d’agir, et j’agis aussi[3] » n’offrent aucune contradiction. Il fit cette réponse à ceux qui se plaignaient qu’il n’observât pas le sabbat, institué dès l’origine, selon l’Écriture, pour rappeler le repos de Dieu. 2 est vraisemblable que l’observation du sabbat fut prescrire aux Juifs comme un symbole du repos spirituel que Dieu promettait, sous la figure mystérieuse de son propre repos, aux fidèles qui accomplissaient leurs bonnes œuvres. Jésus-Christ lui-même, qui n’a souffert qu’au moment où il lui a plu, a confirmé par sa sépulture le sens caché de ce repos. Car il se reposa dans son tombeau le jour du sabbat et en fit une journée de sainte inactivité, après avoir accompli le sixième jour, c’est-à-dire le jour de la préparation et la veille du sabbat, toutes ses œuvres sur le gibet même de la croix. « Tout est consommé, s’écria-t-il, et baissant la tête il rendit l’esprit[4]. » Est-il donc étrange que Dieu se soit reposé le jour même où le Christ devait se reposer, pour figurer cet évènement d’avance ? Est-il étrange qu’il se soit reposé un seul jour avant de développer Cette suite des siècles qui prouvent la vérité de cette parole : « Mon Père ne cesse point d’agir ? »

CHAPITRE XII. NOUVELLE EXPLICATION SUR LE MÊME SUJET.


22. On peut encore s’expliquer que Dieu se reposa d’avoir créé les espèces d’êtres qui remplissent l’univers, en ce sens qu’il ne créa désormais aucune espèce nouvelle, tout en continuant de gouverner celles qui furent alors établies. Il ne faudrait pas croire en effet que, même le septième jour, sa puissance abandonna le gouvernement du monde et des êtres qu’il y avait créés : cette inaction aurait entraîné un bouleversement universel. La puissance du Créateur, cette force infinie et qui embrasse tout est la seule cause qui fait subsister les créatures : si cette force se retirait du monde

  1. Gal. 4, 9
  2. 1 Pi. 1, 10
  3. Jn. 5, 17
  4. Ib. 19, 30