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corps, mais dans tes éléments mêmes dont ils proviennent. La formule : « selon l’espèce » s’applique donc aux êtres qui se reproduisent avec les mêmes germes et les mêmes propriétés avant de disparaître à leur, tour : aucun d’eux, en effet, n’a été créé pour renfermer en lui-même toute son existence, ou pour la garder perpétuellement, ou enfin pour mourir avant de s’être reproduit.
20. S’il en est ainsi, pourquoi n’a-t-il pas été dit : « Faisons l’homme à notre image et à notre « ressemblance » selon son espèce, bien que l’homme soit manifestement soumis à la même loi ? Dira-t-on que Dieu avait créé l’homme immortel, à condition qu’il gardât son commandement ; mais qu’après le péché, l’homme « étant tombé au rang des animaux dépourvus de raison et leur ayant été assimilé[1] » les enfants de la terre furent condamnés à se reproduire, afin que le genre humain se perpétuât en se renouvelant ? Mais que signifierait alors la bénédiction divine donnée à l’homme après sa création : « Croissez, multipliez-vous, remplissez la terre ? » Aurait-elle pu s’accomplir par une autre voie que la génération ? Peut-être aussi serait-il à propos de ne hasarder aucune proposition, avant d’avoir rencontré dans l’Écriture l’occasion d’approfondir cette question. Au point où nous en sommes, l’omission de la formule s’explique assez par le fait que l’homme était créé seul et que la femme devait en être tirée. L’espèce humaine d’ailleurs n’admet pas, comme les plantes, les arbres, les poissons, les oiseaux, les serpents, les animaux sauvages ou domestiques, une variété infinie ; et dès lors la formule, « selon les espèces », excellente pour désigner les propriétés particulières d’êtres qui se ressemblent et ont une origine commune, ne s’applique plus à l’homme.

CHAPITRE XIII. POURQUOI LA BÉNÉDICTION DIVINE N’A-T-ELLE ÉTÉ DONNÉE QU’AUX ANIMAUX TIRÉS DES EAUX ET A L’HOMME ?


21. On se demande aussi par quel privilège les animaux tirés des eaux partagent seuls avec l’homme le bienfait de la bénédiction du Créateur. Il est bien vrai, en effet, que Dieu les a expressément bénis, en disant : « Croissez et multipliez-vous, et remplissez les eaux de lamer, et que les oiseaux se multiplient sur la terre. » Si on avance qu’il suffisait de prononcer ces paroles sur une seule espèce de créatures, et qu’il était naturel de les suppléer pour tous les autres êtres destinés à se reproduire, pourquoi cette bénédiction n’a-t-elle pas été adressée aux arbres et aux plantes, qui, dans cet ordre, furent créés les premiers ? Dieu aurait-il jugé les végétaux indignes de recevoir ces paroles de bénédiction, parce qu’ils n’ont ni sensibilité ni conscience de l’acte par lequel ils se reproduisent ? Aurait-il attendu, pour les prononcer, le moment où il créait les êtres sensibles, afin qu’on les appliquât ensuite à tous les animaux de la terre ? Un point incontestable, c’est que cette bénédiction devait se répéter pour l’homme, afin qu’on n’accusât pas de péché l’union conjugale, principe de la famille, et qu’on ne l’assimilât pas à la débauche à l’adultère et à l’abus même du mariage.

CHAPITRE XIV. DE LA CRÉATION DES INSECTES.


22. Les insectes provoquent une question qui n’est pas sans importance. Ont-ils été produits au début de la création, ou sont-ils nés de la corruption des êtres périssables ? La plupart, en effet, doivent leur naissance aux maladies qui altèrent les corps vivants, aux immondices, aux émanations empestées des cadavres ; d’autres se forment dans les végétaux qui se détériorent ou dans les fruits qui se gâtent : cependant tous ces êtres ont nécessairement Dieu pour créateur. Chaque créature, en effet, a son genre de beauté, et, à bien examiner, les insectes ont une structure plus merveilleuse et prouvent plus pleinement la toute-puissance de l’ouvrier, qui « a tout fait dans sa « sagesse[2] » et qui « étendant son action d’un « bout à l’autre du mondé, y dispose tout avec « harmonie[3]. » Loin d’abandonner à leur laideur les corps épuisés, quand ils se décomposent selon la loi de leur nature, et provoquent en nous l’horreur, parla dissolution qui nous rappelle la mortalité attachée au péché, il en fait sortir des êtres dont les organes presque imperceptibles recèlent les sens les plus vifs ; aussi voit-on avec une surprise plus profonde le vol agile d’une mouche que la marche pesante d’une bête de somme, et l’industrie des fourmis excite plus l’étonnement que la force du chameau.
23. Mais la question importante, comme je

  1. Ps. 48, 13
  2. Ps. 103, 24
  3. Sag. 8, 1