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sa lumière au soleil ? L’explication reste la même. Quand elle est le plus rapprochée du soleil, elle n’est éclairée qu’à une extrémité : le reste du globe, qui est tout entier en pleine lumière, n’est visible de la terre qu’au moment où l’astre est opposé à la terre et lui offre sa face lumineuse.
32. Toutefois il ne manque pas de savants pour soutenir que ce n’est pas la pleine lune qui leur fait croire que cet astre a été créé dans la phase du quatorzième jour, mais ces termes de l’Écriture : « La lune fut créée pour marquer le commencement de la nuit » en effet la lune n’apparaît au commencement de la nuit que lorsqu’elle est dans son plein ; autrement, elle apparaît dans le jour à l’horizon, ou se lève à une heure d’autant plus avancée de la nuit que son croissant est plus petit. Mais si l’on entend que la lune est le principe, c’est-à-dire, la dominatrice des nuits, comme l’indique le terme grec arke et plus clairement encore le passage où le Psalmiste s’écrie : « Que le soleil commande au jour, et la lune, à la nuit[1] » on n’est plus obligé de calculer l’âge de la lune ni de croire que la formation de cet astre suppose la première phase.

CHAPITRE XVI. DE LA LUMIÈRE RELATIVE DES ASTRES.


33. On agite encore la question de savoir si les luminaires visibles du ciel, c’est-à-dire, le soleil, la lune et les étoiles, projettent une même quantité de lumière, et si leur clarté de plus en plus faible n’est qu’une illusion qui s’explique par leur éloignement relatif de la terre. Pour la lune en particulier, on ne doute pas qu’elle ne jette une clarté moins vive que le soleil, on croit même qu’elle lui emprunte sa lumière. Quant aux étoiles, on ne craint pas de soutenir qu’un grand nombre égalent ou surpassent même le soleil en grosseur et que leur distance seule les fait paraître plus petites. Peut-être devrait-il nous suffire de savoir que ces astres, quelle que soit leur nature, ont eu Dieu pour créateur. Cependant, rappelons-nous ces paroles infaillibles de l’Apôtre : « L’éclat du soleil n’est pas le même que celui de la lune et des étoiles : une étoile diffère d’une autre en clarté[2]. » Les partisans de ce système peuvent objecter, sans contredire l’Apôtre, que les astres ont un éclat différent sans doute, mais à condition d’être vus de la terre ils peuvent faire observer que l’Apôtre cherchait une analogie pour expliquer la résurrection des corps, qui n’auront pas sans doute telle qualité visible, telle autre qualité intrinsèque ; qu’à ce titre, puisque les astres ont en eux-mêmes un éclat différent, il peut y en avoir de plus gros que le soleil. Cependant, c’est à eux d’expliquer comment, dans leur propre système, le soleil exerce une influence si prépondérante, qu’il arrête avec ses rayons et force à rétrograder les, étoiles les plus considérables et jusqu’à celles qu’ils honorent davantage : car si elles égalent ou surpassent le soleil en grosseur, il n’est pas vraisemblable qu’elles cèdent à l’influences de ses rayons. S’ils attribuent la supériorité aux constellations du Zodiaque ou au Chariot, qui sont en dehors de l’action du soleil, pourquoi décernent-ils un culte particulier à ces constellations ? pourquoi en font-ils les reines du ! zodiaque ? C’est une contradiction : en effet bien qu’on puisse soutenir que le mouvement rétrograde ou peut-être le retard de ces constellations ne dépende pas du soleil, mais de causes moins connues, c’est au soleil qu’ils attribuent la principale influence dans les calculs insensés où ils s’égarent à la recherche des décrets du destin, comme on peut le vérifier dans leurs livres.
34. Mais qu’ils parlent du ciel comme il leur plaira : ils ne connaissent pas le Père qui règne dans les cieux. Pour nous, il n’y a ni utilité ni convenance à nous perdre dans des recherches profondes sur la distance ou la grandeur des astres, et à consacrer à de tels problèmes le temps que réclament des questions plus sérieuses et plus fécondes. Nous avons toute raison de croire, sur la foi de l’Écriture, qu’il y a deux luminaires plus grands que les astres, sans qu’ils soient pourtant d’égale grandeur. Aussi 1'Écriture, après leur avoir décerné la prééminence, ajoute-t-elle : « Il fit le plus grand luminaire pour marquer le commencement du jour, le plus petit, pour marquer le commencement de la nuit. » On nous accordera bien sans doute, pour ne pas contredire le témoignage de nos yeux, que ces deux astres éclairent notre globe plus que tous les autres ensemble, que l’éclat du jour n’est dû qu’à la lumière du soleil, et que la nuit, malgré toutes les étoiles, serait bien mois brillante sans les rayons de la lune.

  1. Ps. 135, 8-9
  2. 1 Cor. 15, 41