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mystère ? Du voisinage même des eaux suspendues au-dessus du ciel étoilé et dont ces physiciens contestent l’existence. Voilà sur quelles conjectures s’appuient nos auteurs pour combattre les physiciens qui ; sans vouloir entendre parler d’eaux au-dessus du ciel, soutiennent néanmoins que la planète placée au sommet de la voûte céleste est glacée : ils les forcent ainsi à conclure que ces eaux existent, non plus sous forme de vapeurs légères, mais à l’état de glace. Quelque système qu’on adopte, l’existence des eaux au-dessus du ciel, sous quelque forme que l’on voudra, est un fait indubitable : l’autorité de l’Écriture doit prévaloir sur les plus ingénieuses théories de l’esprit humain.

CHAPITRE VI. FAUT-IL VOIR DANS LE PASSAGE : « ET DIEU FIT LE FIRMAMENT » ETC. L’INTERVENTION DIRECTE DU FILS ?


10. On a remarqué, et cette réflexion, mérite, selon moi, d’être approfondie, qu’après cette parole immédiatement accomplie : « Que le firmament se fasse au milieu des eaux et qu’il sépare les eaux d’avec les eaux » l’Écriture ne se contente pas de dire : « Cela se fit » mais qu’elle ajoute : « Et Dieu fit le firmament, et il sépara les eaux qui étaient au-dessus du firmament, d’avec les eaux qui étaient au-dessous. » On croit donc que la personne du Père est marquée dans le passage : « Et Dieu dit : Que le firmament se fasse au milieu des eaux, et qu’il sépare les eaux d’avec les eaux ; ce qui fut fait » et l’on pense que l’Écriture avait pour but de faire entendre que le Fils avait accompli la parole du Père quand elle ajoute : « Et Dieu fit le firmament », etc.
11. Mais, puisqu’il a déjà été écrit : « Et cela fut fait » je demande par qui cela fut fait, Était-ce par le Fils ? A quoi bon alors cette espèce de pléonasme : « Et Dieu fit le firmament, etc ? » Si au contraire on voit dans le passage : « Et cela fut fait » l’acte du Père, il ne faut plus admettre que le Père parle et que le Fils exécute ; il faudrait même en conclure que le Père agit indépendamment du Fils, et que le Fils reproduit les actes du Père par imitation, ce qui est contraire à la foi catholique. Aime-t-on mieux ne voir qu’une répétition de la même idée dans les deux passages : « Et cela se fit » et « Dieu fit ainsi ? » Pourquoi ne pas identifier celui qui commande et celui qui exécute. Veut-on aussi en laissant de côté : « Et il fut fait « ainsi » se borner à rapporter les deux autres passages, celui où Dieu commande et celui où il agit ( fiat-fecit), et retrouver ici l’intervention du Père, là celle du Fils ?
12. On peut encore se demander s’il ne faudrait pas voir dans l’expression fiat un ordre, pour ainsi dire, donné au Fils par le Père. Dans ce cas, pourquoi l’Écriture n’a-t-elle pas pris soin de désigner la personne du Saint-Esprit ? Est-ce qu’il faut reconnaître la Trinité dans le commandement, dans l’acte créateur, et dans l’approbation donnée à l’œuvre ? Mais la Trinité forme une unité trop absolue pour que le Fils reçoive en quelque façon l’ordre d’agir, tandis que le Saint-Esprit approuve de lui-même et sans y être invité l’œuvre accomplie. Quel ordre, en effet, le Père pourrait-il donner au Fils, c’est-à-dire, à son Verbe éternel, le Verbe du Père, le Fils unique en qui existe tout ce qui a été créé, même avant la création, le principe de la vie, en ce sens que tout ce qu’il a fait est en lui vie et vie créatrice, et en dehors de lui, vie contingente et créée ? Les êtres qu’il a créés sontdonc.enlui puisqu’il les gouverne et les contient, mais à un tout autre titre que l’Etre qui constitue son essence. Car la vie qui est en lui n’est autre chose que lui-même, parce qu’en tant que vie il est la lumière des hommes[1]. Ainsi donc, rien ne pouvait être créé, soit avant les temps sans toutefois être coéternel au Créateur, soit à l’origine des temps ou à un moment quelconque de la durée, sans que le type de cette création, si l’on peut parler ainsi, n’eût dans le Verbe coéternel à Dieu une existence également éternelle : voilà pourquoi l’Écriture, avant de raconter chaque création dans son ordre, remonte au Verbe de Dieu et débute par ces mots : « Dieu dit; » en effet, elle n’explique la création d’aucun être, sans en découvrir la cause dans le Verbe de Dieu.
13. Dieu n’a pas répété le Fiat de la création aussi souvent que nous lisons dans la Genèse : « Dieu dit. » Car Dieu n’a engendré qu’un Verbe unique, en qui il a tout exprimé universellement avant que les choses sortissent du néant selon leur ordre particulier. Mais l’Ecrivain sacré, abaissant son langage à la portée des esprits les plus humbles, énumère successivement les diverses espèces d’êtres, et considère, successivement

  1. Jn. 1, 3,4