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s’ils ne lui donnaient le nom que lui donne tout l’univers.

13. Pour embrasser cette religion, cherche avant tout à connaître l’histoire et la prédiction des bienfaits temporels accordés par la divine providence pour sauver le genre humain, le régénérer et le réformer pour l’éternelle vie. Une fois affermie dans la croyance, l’âme se purifie en conformant sa conduite aux préceptes divins ; ainsi elle deviendra capable des biens spirituels qui ne sont ni du passé, ni de l’avenir, mais demeurent éternellement les mêmes, sans succession ni changement. Croyant alors en Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit, l’homme verra clairement que cette Trinité a donné à toute créature intelligente, à toute âme vivante, à tout objet matériel, son être et sa forme, et qu’elle dirige tout dans un ordre parfait. Je ne veux point dire qu’une partie du monde créé ait pour auteur Dieu le Père, une autre le Fils, une autre le Saint-Esprit ; la création tout entière et chaque objet créé en particulier est l’œuvre du Père par le Fils, dans le don du Saint-Esprit. Car dans toute créature, qu’on la nomme essence, substance, nature, ou autrement, il y a trois propriétés à distinguer ; elle existe, elle se distingue de toute autre créature, elle ne sort point de l’ordre universel.

CHAPITRE VIII.

FOI ET INTELLIGENCE. — UTILITÉ DES HÉRÉSIES.

14. Ces principes admis, l’homme comprendra suffisamment, autant du moins qu’il en est capable, combien sont nécessaires, justes et inévitables les lois imposées par Dieu, le souverain Maître, à toutes ses créatures. Grâce à lui, après avoir cru d’abord sur la parole de l’autorité, la vérité nous deviendra intelligible, soit qu’elle nous apparaisse avec les clartés de l’évidence, soit que nous en voyions la possibilité ou la nécessité. Et nous déplorerons la triste condition de ceux qui ne croient pas, et qui ont mieux aimé tourner en dérision, que de partager nos convictions. Lors en effet que l’on connaît l’éternité de la Trinité et l’inconstance de la créature ; l’adorable incarnation, l’enfantement de la Vierge, la mort endurée par le Fils de Dieu pour les hommes, sa résurrection d’entre les morts, son ascension dans le ciel, son siège à la droite du Père, l’abolition du péché, le jugement suprême et la résurrection des corps ne sont pas seulement des dogmes de foi ; on y voit éclater la miséricorde que déploie le Dieu suprême envers le genre humain.

15. Mais puisqu’il a été dit avec pleine vérité : « Il faut qu’il y ait beaucoup d’hérésies afin qu’on reconnaisse ceux dont la vertu est éprouvée[1] », nous tirerons un autre avantage de ce nouveau bienfait de la Providence. Les hérétiques sont pris dans les rangs de ces hommes qui eussent également embrassé l’erreur tout en demeurant dans l’Église. Mais séparés de nous ils peuvent nous être plus utiles, non pas en enseignant la vérité, car ils l’ignorent, mais en encourageant les hommes charnels à chercher la vérité, et les spirituels à en découvrir tous les secrets. Il y a en effet dans l’Église une foule d’hommes dont Dieu a éprouvé la vertu ; ils demeurent ignorés parmi nous tant que, séduits par l’aveuglement et l’ignorance, nous préférons dormir plutôt que de chercher à contempler les splendeurs de la lumière. Aussi beaucoup, pour voir le jour du Seigneur et s’en réjouir, sont réveillés de ce sommeil par les hérétiques. Donc servons-nous de ces hérétiques, non pour approuver leurs égarements, mais pour écarter de l’enseignement catholique leurs perfides erreurs, pour devenir plus vigilants et plus prudents, quand même nous ne pourrions le ramener dans la bonne voie.

CHAPITRE IX.

C’EST SURTOUT CONTRE LES MANICHÉENS QUE CET ÉCRIT EST DIRIGÉ ; COURT EXPOSÉ DE LEURS ERREURS.

16. Je l’espère de la bonté divine, cet écrit inspiré par la piété, lu par les hommes vertueux, ne sera pas exclusivement dirigé contre une seule erreur ; mais il attaquera à la fois toutes les fausses doctrines, toutes les opinions dangereuses. Il est néanmoins destiné avant tout à réfuter ceux qui prétendent que deux natures ou deux substances, issues chacune d’un principe opposé, sont en lutte continuelle. Le monde leur a présenté des œuvres qu’ils approuvent, d’autres qu’ils condamnent ; ils attribuent à Dieu tout ce qui est bien et rien

  1. 1Co. 11, 19.