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lettre, allez au-delà par un mouvement invisible de l’âme, allez par la pensée jusqu’au plus profond de mon cœur, et voyez ce qui s’y passe pour vous ; le sanctuaire de la charité s’ouvrira à l’œil de la charité ; c’est ce sanctuaire que nous fermons aux bruyantes frivolités du monde quand nous y adorons Dieu ; c’est là (lue vous verrez toutes les douceurs de ma joie pour une œuvre aussi bonne que la vôtre ; je ne puis ni les dire avec la langue ni les exprimer en vous écrivant ; chaudes et brûlantes, elles se confondent avec le sacrifice de louanges que j’offre à Celui par l’inspiration de qui vous avez pu le faire. Dieu soit loué de son ineffable don[1] !

3. O qu’il y a de sénateurs comme vous, et comme vous enfants de la sainte Église ; que nous voudrions voir faire en Afrique ce qui de votre part nous a tant réjoui ! Il serait dangereux de les exhorter, il y a sécurité à vous féliciter. Car peut-être ne feraient-ils rien ; et les ennemis de l’Église, comme s’ils nous avaient vaincus dans leur esprit, s’en prévaudraient habilement pour séduire les faibles. Mais vous, par ce que vous avez déjà fait, vous avez confondu ces ennemis de l’Église en délivrant les faibles. Aussi me semble-t-il suffire que vous lisiez cette lettre à ceux du sénat que vous pouvez aborder avec la confiance de l’amitié et avec la liberté autorisée par une foi commune. Ils verront par votre exemple qu’on peut faire en Afrique ce que peut-être ils négligent d’entreprendre parce qu’ils le croient impossible. Je n’ai rien voulu vous dire des pièges que préparent les hérétiques dans les tourments de leurs cœurs, car j’ai ri de leur prétention de pouvoir quelque chose sur une âme comme la vôtre, qui appartient au Christ. Cependant vous entendrez raconter tout cela à mes frères, que je recommande beaucoup à votre Excellence ; pardonnez à leurs craintes, mêmes vaines, dans cette grande affaire du salut inopiné de tant d’hommes, qui est votre ouvrage, et dont se réjouit l’Église catholique notre mère.

LETTRE LIX.

(Année 401.)

Sur la convocation d’un concile.

AUGUSTIN A SON BIENHEUREUX ET VÉNÉRABLE PÈRE VICTORIN, SON COLLÈGUE DANS L’ÉPISCOPAT, SALUT DANS LE SEIGNEUR.

1. Votre invitation m’est arrivée le cinq des ides de novembre, à la nuit ; elle m’a trouvé mal disposé à me rendre au concile, et vraiment il me serait impossible d’y aller. Toutefois, il appartient à votre sainteté – et à votre gravité de juger si je comprends mal, ou si mes susceptibilités sont légitimes. J’ai vu dans cette lettre qu’on avait écrit aussi aux deux Mauritanies, et nous savons que ces provinces ont leurs primats. Si l’on voulait convoquer aussi les évêques de ces deux provinces à un concile en Numidie, on aurait dû mettre dans la lettre les noms de quelques-uns d’entre eux, qui sont les premiers ; n’y trouvant pas ces noms, j’ai été fort étonné. Et quant à ce qui est des évêques numides, on à si peu tenu compte de l’ordre et du rang en écrivant, que j’ai trouvé mon nom le troisième, et cependant beaucoup d’évêques sont mes anciens. Cela est une injure pour les autres, et cela m’est odieux. De plus, notre vénérable frère et collègue Xantippe, évêque de Tagose, dit que la primatie lui est due ; il passe pour primat aux yeux de plusieurs, et envoie des lettres à ce titre. Si votre sainteté est en mesure de le débouter facilement de ses prétentions à cet égard, vous auriez dû au moins ne pas omettre son nom dans votre lettre. J’aurais été étonné que ce nom fût confondu avec les autres et n’occupât point le premier rang ; mais combien plus il est surprenant qu’il ne soit fait aucune mention de cet évêque, particulièrement intéressé à se trouver au concile, où devrait se régler, en premier lieu, la question de la primatie, devant tous les évêques de la Numidie !

2. Pour tous ces motifs, j’hésite à me rendre au concile ; je crains que la lettre de convocation ne soit fausse, tant elle est irrégulière. Du reste, le trop peu de temps que j’ai m’empêcherait d’y aller, sans compter beaucoup d’autres pressantes affaires qui me retiennent. Je prie donc votre béatitude de m’excuser, et de vouloir bien insister avant tout, pour qu’il soit

  1. II Cor. IX, 15