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sortiront les deux parts, l’une qui dira dans sa joie coupable : paix et sûreté, l’autre en qui le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa lumière et d’où tomberont les étoiles et où les vertus des cieux seront ébranlées.

41. « Et alors on verra venir le Fils de l’homme sur une nuée, avec une grande puissance et une grande majesté. » Cela, à mon avis, peut s’entendre de deux manières : la première c’est Jésus-Christ venant dans l’Église comme sur une nuée, ainsi qu’il ne cesse de venir présentement selon ce qu’il est dit : « Vous verrez un jour le Fils de l’homme assis à la droite de la majesté de Dieu, et venant sur les nuées du ciel. » Mais il viendra alors avec une grande puissance et une grande majesté, parce que sa puissance et sa majesté paraîtront plus grandes dans les saints à qui il donnera une force plus grande pour mieux résister à une aussi formidable persécution. La seconde manière d’entendre ces paroles, c’est Jésus-Christ venant à la fin des siècles dans ce même corps avec lequel il est assis à la droite de Dieu, avec lequel il est mort, il est ressuscité et il est monté au ciel, selon qu’il est écrit dans les Actes des apôtres : « Cela dit, une nuée l’enveloppa et il disparut à leurs yeux[1]. » Et comme deux anges dirent alors : « Il viendra de la même manière que vous l’avez vu monter au ciel, » on peut croire avec raison que le Seigneur viendra non-seulement avec le même corps, mais aussi sur une nuée : il reviendra du ciel comme il s’en est allé de la terre, et c’est dans une nuée qu’il s’éleva pour remonter vers son Père.

42. Lequel de ces deux sentiments faut-il préférer ? il est difficile de le dire. Il semble d’abord qu’en entendant ou en lisant : « Et alors on verra le Fils de l’homme venir sur une nuée avec une grande puissance et une grande majesté, » il faille croire qu’il s’agit ici, non pas de son avènement par l’Église, mais de son avènement en personne, quand il viendra juger les vivants et les morts. Cependant, comme il importe d’aller au fond des Écritures et de ne pas s’en tenir à la surface, et comme par leur obscurité même, les Écritures demandent, pour notre exercice, à être pénétrées plus profondément, nous devons soigneusement faire attention à la suite de ce passage ; car après que Notre-Seigneur a dit : « Et alors on verra le Fils de l’homme venir sur une nuée avec une grande puissance et une grande majesté, » il ajoute : « Lorsque ces choses commenceront d’arriver, regardez et levez la tête, parce que votre rédemption est proche. Et il fit cette comparaison : Voyez le figuier et tous les arbres ; lorsque leurs fruits commencent à se montrer, vous connaissez que l’été est proche : de même lorsque vous verrez arriver ces choses, sachez que le royaume de Dieu est proche[2]. » Ces choses qu’on verra arriver, qu’est-ce ? si ce n’est ce que nous avons marqué plus haut ? Dans ce nombre nous trouvons la venue du Fils de l’homme sur une nuée avec une grande puissance et une grande majesté. Lors même donc qu’on le verra apparaître, ce seront les approches, ce ne sera pas encore le royaume de Dieu.

43. Nous voyons que les deux autres évangélistes gardent le même ordre. Après que saint Marc a dit : « Les vertus des cieux seront ébranlées, » il ajoute : « On verra alors venir le Fils de l’homme sur des nuées avec une grande puissance et une grande gloire ; » il dit ensuite ce que saint Luc ne dit pas : « Et alors il enverra ses anges et il rassemblera ses élus des quatre vents, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel. » Puis, tirant sa comparaison du figuier tout seul, au lieu de la tirer comme saint Luc du figuier et des autres arbres, saint Marc s’exprime ainsi : « Or, apprenez la parabole du figuier : Quand ses rameaux sont encore tendres et que les feuilles ont paru, vous connaissez que l’été est proche ; ainsi quand vous verrez s’accomplir toutes ces choses, sachez que le Fils de l’homme est près de vous et à la porte[3]. » Ces choses que l’on commencera à voir s’accomplir, que sont-elles sinon ce que saint Marc a rapporté plus haut ? Et dans ces choses est compris ce qu’il dit : « Et alors on verra venir le Fils de l’homme sur des nuées avec une grande puissance et une grande gloire : et alors il enverra ses anges et il rassemblera ses élus. » Ce ne sera donc pas la fin, mais la fin sera proche.

44. Dira-t-on que ces mots : « quand vous verrez s’accomplir ces choses, » ne doivent pas s’entendre de tous les signes mais de quelques signes seulement ; qu’il ne faut excepter que la venue du Fils de l’homme sur une nuée, et que ceci ne serait pas une marque de la fin

  1. Act. I, 9-11.
  2. Luc, XXI, 27-31.
  3. Marc.