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de Jean, c’est-à-dire du baptême de l’ami ou du serviteur ? et ensuite comment les apôtres auraient-ils pu recevoir l’Eucharistie s’ils n’avaient pas été baptisés ? et comment, répondant à Pierre qui voulait être lavé tout entier, le Seigneur lui aurait-il dit : « Celui qui a été purifié une fois n’a pas besoin d’être lavé de nouveau, mais il est entièrement pur[1] ? » Or la purification parfaite n’est pas dans le baptême de Jean, mais dans le baptême du Seigneur, si celui qui le reçoit s’en montre digne ; s’il en est indigne, les sacrements demeureront en lui pour sa perdition et non pour son salut. Sous le coup de ces interrogations et de ces témoignages, Fortunius vit lui-même qu’il n’avait rien à dire sur le baptême des disciples du Sauveur.

11. On passa à autre chose, plusieurs de part et d’autre discourant comme ils pouvaient ; il fut dit que les nôtres allaient encore persécuter les donatistes ; votre évêque ajouta qu’il voulait voir comment nous nous montrerions dans cette persécution, si nous consentirions oui ou non à de telles violences. Nous répondions que Dieu voyait le fond de nos cœurs, et qu’eux ne pouvaient pas le voir ; que des craintes semblables n’étaient pas fondées ; que si ces choses arrivaient ; elles seraient l’œuvre des méchants, et que dans les rangs des donatistes il y en avait de plus méchants que parmi nous ; que si, sans notre adhésion, malgré nous, malgré nos efforts, quelques-uns des nôtres se portaient à des excès, nous ne les retrancherions pas pour cela de la communion catholique, parce que nous avions appris de l’Apôtre une pacifique tolérance : « Vous supportant les uns les autres avec amour, dit-il, vous attachant à garder l’unité de l’esprit dans le lien de la paix[2]. » Nous disions que ceux-là n’avaient pas conservé la paix et la tolérance, qui avaient fait ce schisme, au milieu duquel les plus doux supportent les choses les plus dures, uniquement pour ne pas ajouter des déchirements à ce qui est déjà déchiré : et ceux-là' même n’auraient pas voulu supporter les choses les plus légères pour maintenir l’unité ! Nous disions encore qu’au temps de l’ancienne loi la paix de l’unité et la tolérance mutuelle n’avaient pas été aussi recommandées qu’elles le furent dans la suite par les exemples du Seigneur et du Nouveau Testament, et que pourtant les prophètes et les saints personnages qui reprochaient les crimes commis autour d’eux n’entreprirent jamais de retrancher les coupables de l’unité de ce même peuple, et de la communion des sacrements de ce temps-là.

12. On en vint, je ne sais comment, à prononcer le nom de Généthlius, d’heureuse mémoire, évêque de Carthage avant Aurèle, qui supprima je ne sais quelle constitution dirigée contre les donatistes, et qui ne permit pas qu’elle eût son effet ; tous le louaient et se plaisaient à le mettre en avant ; j’interrompis ce concert d’éloges pour leur dire que cependant si ce même Généthlius était tombé entre leurs mains, ils auraient jugé indispensable de le rebaptiser ; et, quand nous parlions ainsi, nous nous étions déjà levés, parce que le temps nous pressait et qu’il fallait partir. Le vieillard répondit tout simplement que c’est une règle établie que tout chrétien des nôtres qui va vers eux est rebaptisé : il m’a paru prononcer ces dernières paroles à regret et avec une certaine douleur. Il gémissait ouvertement sur les excès commis par les siens ; il montrait, ce qui est prouvé par le témoignage de toute la ville, une grande aversion pour ces désordres, et avait coutume de s’en plaindre doucement ; de notre côté nous rappelions le passage du prophète Ézéchiel où il est écrit qu’on n’imputera point au père la faute du fils, rai au fils la faute du père : « de même que l’âme du père est à moi, l’âme du fils est aussi à moi, car l’âme qui aura péché sera la seule qui mourra[3] : » Tout le monde alors fut d’avis qu’en de telles discussions nous ne devions pas nous objecter les uns aux autres les violences exercées par des hommes méchants. Restait donc la question du schisme. Nous exhortâmes Fortunius à unir ses pacifiques efforts aux nôtres et à employer la modération de son esprit pour achever l’examen d’une aussi importante question. Et comme il disait avec bonté que nous étions les seuls à le demander et que les autres de notre communion ne le voulaient pas, nous lui promîmes, en le quittant, de lui amener plusieurs de nos collègues, dix s’il voulait, qui chercheraient le retour de la paix avec autant de bienveillance, de douceur et de pieux empressements que nous sentions qu’il en avait remarqué et aimé en nous. Il me promit un nombre égal d’évêques de son côté.

13. C’est pourquoi je vous exhorte et vous supplie, par le sang du Seigneur, de le faire souvenir

  1. Jean, XIII, 10
  2. Eph. IV, 2-3
  3. Ezéch. XVIII, 20, 4