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mais approchez-vous, dans un esprit de paix, des peuples qui ne sont point à nous, mais à celui à qui nous appartenons tous ; si vous ne le voulez pas et si vous continuez à vous montrer ennemis de la paix, retirez-vous plutôt du milieu des peuples pour lesquels le Christ a répandu son sang : vous voulez les rendre vôtres de peur qu’ils ne soient au Christ, quoique ce soit sous son nom que vous vous efforciez de les posséder ; vous êtes semblables à un ’serviteur qui, ayant volé des brebis à son maître, imprimerait sur tout ce qui naîtrait d’elles la marque du maître, pour empêcher qu’on ne reconnût son larcin. Ainsi ont fait vos pères ; après avoir séparé de l’Église du Christ des peuples marqués du baptême du Christ, ils ont imprimé le même sceau à tout ce qui est venu s’ajouter à leur nombre. Mais le Seigneur punit les voleurs s’ils ne se corrigent pas, et en ramenant à son troupeau les brebis égarées, il n’efface point sur elles une marque qui est la sienne.

2. Vous nous appelez traditeurs ; c’est une accusation que vos pères n’ont jamais pu prouver contre les nôtres, et que vous-mêmes ne pourrez aucunement prouver contre nous. Que voulez-vous que nous fassions ? Quand nous vous invitons à voir avec calme ce qui nous sépare, vous ne savez que faire éclater votre arrogance et votre fureur. Il nous serait aisé de vous montrer que les traditeurs furent plutôt ceux qui condamnèrent Cécilien et ses compagnons comme coupables de ce crime. Et vous dites : Retirez-vous du milieu de nos peuples. Vous les enseignez à croire en vous et non pas en Jésus-Christ. Car vous leur dites qu’à cause de ces traditeurs, contre lesquels vous ne prouvez rien, l’Église du Christ n’existe plus qu’en Afrique et dans le parti de Donat ; or, vous affirmez cela, non point d’après la loi ou les prophètes, ou les psaumes, ou les apôtres ou l’Évangile, mais d’après votre propre cœur et les calomnies de vos ancêtres. Le Christ dit « que la pénitence et la rémission des péchés seront prêchées en son nom au milieu de toutes les nations, en commençant par Jérusalem[1]. » Vous n’êtes pas en communion avec cette Église manifestée par les paroles mêmes du Christ, et pendant que vous entraînez les autres dans votre perdition, vous ne voulez pas être sauvés.

3. Si nous vous déplaisons parce que des lois impériales vous forcent à l’unité, prenez-vous en à vous-mêmes ; vous en êtes cause, car vos violences et la terreur de vos menaces ne nous ont jamais permis de prêcher en paix la vérité, et n’ont jamais permis de l’entendre avec sécurité ni de la choisir librement. Cessez de murmurer et de vous troubler ; considérez patiemment, si c’est possible, ce que nous disons ; rappelez-vous ce qu’ont fait vos circoncellions et les clercs qui marchèrent toujours à leur tête, et vous verrez ce qui vous a mérité les décrets impériaux ; vous reconnaîtrez l’injustice de vos plaintes, car vous y avez forcé la puissance temporelle. En effet, pour ne pas interroger des faits passés et nombreux, arrêtez au moins votre pensée sur ce qu’il y a de plus récent. Marc, prêtre de Casphalia, s’est fait catholique de son plein gré, sans que personne l’ait contraint : pourquoi donc ceux de votre parti l’ont-ils poursuivi, et pourquoi l’auraient-ils mis à mort si la main de Dieu n’avait arrêté leurs violences par l’intervention d’hommes justement indignés ? Restitut, de Victoria, a passé de son plein mouvement à l’Église catholique ; pourquoi a-t-il été enlevé de sa demeure, battu, roulé dans l’eau, habillé de natte pour devenir un objet de risée, et pourquoi a-t-il été retenu prisonnier je ne sais combien de jours ? Il n’eût point été peut-être rendu à la liberté si Proculéien ne s’était vu sur le point d’être cité pour ce fait. Martien, d’Urges, a choisi de sa propre volonté l’unité catholique ; pourquoi, pendant qu’il fuyait lui-même, vos clercs ont-ils lapidé son sous-diacre jusqu’à le laisser pour mort ? C’est en punition de ce crime qu’on a jeté à bas leurs demeures.

4. Que dirai-je de plus ? Vous avez récemment envoyé un crieur à Sinit, qui a fait entendre ces mots : Celui qui sera en communion avec Maximin, aura sa maison brûlée. Mais avant que Maximin rentrât dans l’unité et qu’il revînt de son voyage d’outre-mer, avions-nous envoyé un prêtre à Sinit avec d’autres desseins que d’y visiter nos catholiques sans faire du tort à personne, de s’y tenir dans sa demeure et de prêcher la paix catholique aux hommes de bonne volonté ? Vous l’avez pourtant chassé de là en l’outrageant indignement. Quand l’un de nous, Possidius, évêque de Calame, s’en allait à Figuli, que voulions-nous sinon visiter nos catholiques, quoiqu’ils fussent là en petit nombre, et faire entendre la parole de Dieu pour aider au libre retour vers l’unité

  1. Luc, XXIV, 47.