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et la plus charmante de vos vertus est la miséricorde[1]. » Combien elle doit plus éclater parmi la société chrétienne, dont le chef a dit : « Je suis la voie[2], » et qui connaît ces paroles : « Toutes les voies du Seigneur sont miséricorde et vérité[3]. » Ne craignez donc pas que nous cherchions à faire périr des innocents, nous qui ne voulons pas même livrer les coupables au supplice qu’ils ont mérité : la miséricorde chrétienne nous le défend, cette miséricorde que nous aimons dans le Christ avec la vérité. Mais celui qui, pour ne pas attrister la volonté des pécheurs, favorise et nourrit les vices en les épargnant, celui-là, dis-je, n’est pas plus miséricordieux que l’homme qui ne veut pas arracher un couteau à un enfant de peur de l’entendre pleurer, et ne songe pas qu’il peut le voir blessé ou mort. Réservez donc pour un autre temps ce que vous avez à faire auprès de nous en faveur de ces hommes que vous n’aimez pas plus que nous, mais que vous aimez moins, pardonnez-moi de vous le dire ; répondez-nous plutôt ce que vous pensez de la voie religieuse que nous suivons, et dans laquelle nous vous pressons d’entrer pour que vous parveniez avec nous à cette patrie d’en-haut, dont vous aimez à vous entretenir, nous le savons et nous nous en réjouissons.

17. Vous dites que si, parmi les citoyens de notre patrie terrestre, tous ne sont pas innocents, quelques-uns le sont ; mais vous ne le prouvez point, comme vous pouvez le remarquer en relisant ma lettre. En répondant à l’endroit où vous exprimez le désir de laisser votre patrie florissante, je vous disais qu’elle n’avait eu pour nous que des épines et non des fleurs, et vous croyez que j’ai voulu jouer avec des mots ! Quoi ! il y aurait place pour des jeux d’esprit en présence de pareils malheurs ! Hélas ! ce que j’ai dit n’est que trop vrai. Les ruines de l’église incendiée fument encore, et nous y trouverions à badiner ! Quoique à mes yeux il n’y ait d’innocents, à Calame, que les absents ou les victimes, ou ceux qui n’ont pu empêcher ces désordres, faute de moyens et d’autorité, cependant j’ai distingué dans ma lettre les grands coupables de ceux qui le sont moins, j’ai fait une part différente à ceux qui ont craint de braver de puissants ennemis de l’Église et à ceux qui ont voulu le mal, à ceux qui l’ont fait, à ceux qui l’ont inspiré : nous n’avons rien demandé contre les inspirateurs de ces déplorables violences, parce que la recherche de la vérité aurait exigé des tortures dont nous repoussons la pensée avec horreur. Selon la doctrine de vos stoïciens, ils seraient tous coupables de la même manière, puisque toutes les fautes sont égales ; et la dureté de ce système proscrivant en même temps la miséricorde comme une faiblesse, ne vous réserverait point ici un pardon général, mais une générale et égale punition. Laissez donc le plus loin possible ces philosophes que vous avez invoqués à l’appui de votre cause ; souhaitez plutôt que nous agissions comme des chrétiens, et que, selon nos vœux, nous gagnions au Christ les coupables à qui nous pardonnons, de peur que le pardon ne devienne leur malheur. Que le Dieu miséricordieux et véritable vous accorde la vraie fidélité !

LETTRE CV.


(Année 409.)

Les évêques et les prêtres donatistes s’attachaient à empêcher que la vérité né parvint à leurs peuples égarés ; eux-mêmes évitaient toute occasion de s’expliquer avec les catholiques et de répondre à leurs questions. Ils imposaient des violences aux invitations de la charité. Saint Augustin faisait tout ce qu’il pouvait pour répandre la lumière au milieu des populations trompées. L’écrit qu’on va lire résume les faits, pose nettement les questions, démontre, invinciblement les torts religieux du donatisme. Il présente pour nous des répétitions de ce qui a déjà passé sous nos yeux, mais saint Augustin pouvait-il faire autrement que de répéter ce qu’on s’obstinait à méconnaître ? D’ailleurs le grand évêque trouve toujours des inspirations nouvelles, et l’on est toujours ému de ce profond amour de la vérité que rien ne rebute et ne lasse.

AUGUSTIN, ÉVÊQUE CATHOLIQUE, AUX DONATISTES.

1. La charité du Christ, à qui nous voudrions gagner tout homme, ne nous permet pas de nous taire. Si vous nous haïssez parce que nous vous prêchons la paix catholique, nous n’en sommes pas moins les serviteurs du Seigneur qui a dit : « Bienheureux les pacifiques, parce qu’ils seront appelés enfants de Dieu[4] ! » Et il est écrit dans un psaume : « J’étais pacifique avec ceux qui haïssaient la paix ; lorsque je leur parlais, ils m’attaquaient sans raison[5]. » C’est pourquoi certains prêtres de votre parti nous ont dit : « Eloignez-vous de nos peuples si vous ne voulez pas que nous vous tuions. » Et nous leur disons, nous, avec plus de justice : Ne vous éloignez pas,

  1. Pro Ligario.
  2. Jean, XIV, 16.
  3. Ps. XXIV, 10.
  4. Matth. V, 9.
  5. Ps. CXIX, 7.