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partout, à moins d’être aveugle. Cependant, au nombre de ces œuvres de chair qui excluent du royaume de Dieu, l’Apôtre place l’ivrognerie aussi bien que l’hérésie : « Il est aisé, dit-il, de reconnaître les œuvres de la chair, qui sont : la fornication, l’impureté, la luxure, l’idolâtrie, les empoisonnements, les inimitiés, les dissensions, les jalousies, les colères, les querelles, les hérésies, les envies, les ivrogneries, les débauches, et autres choses semblables : je vous déclare, comme je vous l’ai déjà déclaré, que ceux qui commettent ces crimes ne posséderont pas le royaume de Dieu[1]. » On ne baptise donc pas après un hérétique, quoiqu’on ait baptisé après Jean, par la raison que, quoiqu’on ait baptisé après Jean, on ne baptise pas après quelqu’un qui serait adonné au vin : les hérésies et les ivrogneries sont également comptées au nombre des œuvres qui excluent du royaume de Dieu. Ne vous paraît-il pas intolérablement indigne qu’on baptise après celui qui, ne se contentant pas de boire sobrement, mais ne buvant pas du tout, a préparé la voie au royaume de Dieu, et qu’on ne baptise pas après celui qui, faisant un usage immodéré du vin, n’y parviendra même pas ? Quoi répondre, sinon que le baptême après lequel l’Apôtre a baptisé dans le Christ était le baptême de Jean, et que le baptême conféré par la personne adonnée au vin était celui du Christ ? Entre Jean et un homme adonné au vin, il y a une grande différence d’opposition ; entre le baptême du Christ et le baptême de Jean, il n’y a pas opposition, il existe néanmoins une essentielle différence. Il en est une grande aussi entre un apôtre et un homme adonné au vin ; il n’y en a pas entre le baptême du Christ donné par un homme intempérant. De même entre Jean et un hérétique, il y a grande différence par opposition ; entre le baptême de Jean et celui du Christ donné par un hérétique, aucune opposition, mais grande différence. Entre le baptême du Christ que donne un apôtre et le baptême du Christ que donne un hérétique, différence aucune. Car les sacrements demeurent les mêmes, malgré la grande inégalité des mérites de ceux qui les confèrent.

49. Mais pardon, je me suis trompé quand j’ai choisi, pour vous convaincre, l’exemple d’un homme adonné au vin : j’oubliais que j’avais affaire à un rogatiste, et non pas à un donatiste quelconque. Il est possible que parmi vos collègues et vos clercs qui sont en si petit nombre, vous ne trouviez aucune trace d’un tel vice. Car la foi catholique que vous vous donnez, vous ne la tenez pas de la communion du monde entier, mais de l’observation de tous les préceptes divins et de tous les sacrements : c’est en vous seulement que le Fils de l’homme trouvera la foi quand il n’en trouvera plus sur la terre, parce que vous n’avez plus rien de terrestre et vous n’appartenez plus à ce monde, mais vous êtes déjà célestes et c’est au ciel que vous habitez ! Vous ne craignez donc pas, vous ne vous rappelez pas cette parole : « Dieu résiste aux superbes et donne sa grâce aux humbles[2] ? » Vous n’êtes pas frappés de ce passage de l’Évangile où le Seigneur dit : « Lorsque le Fils de l’homme viendra, croyez-vous qu’il trouve de la foi sur la terre[3] ? » Car sachant d’avance que bien des orgueilleux s’arrogeraient cette foi, il adresse aussitôt cette parabole aux gens qui se croyaient justes et méprisaient les autres : « Deux hommes montèrent au temple pour prier, l’un était pharisien, l’autre publicain.[4] » Et le reste. Répondez-vous à vous-même par la suite de la parabole. Pourtant voyez attentivement si, parmi le. petit nombre des vôtres, il ne se rencontrerait pas quelque intempérant qui baptisât. La contagion de ce vice dévaste tant les âmes, et son funeste empire s’étend si loin, que je serais bien étonné que votre petit troupeau en eût été préservé ; j’en serais bien surpris, quoique, bien avant l’avènement du Fils de l’homme, qui est le seul bon pasteur, vous vous vantiez d’avoir déjà séparé les brebis des boucs.

50. Entendez par ma bouche la voix des bons grains qui, en attendant le dernier jour, souffrent au milieu de la paille, sur l’aire du Seigneur, c’est-à-dire dans le monde entier, car Dieu a appelé la terre depuis le lever du soleil jusqu’à son coucher[5], et partout il s’y trouve des enfants qui le louent[6] ; voici donc ce que vous dit cette voix : Nous désavouons quiconque prend occasion des lois impériales pour assouvir contre vous des haines, au lieu de travailler affectueusement à vous ramener.

  1. Gal. V, 19-20
  2. Jacq. IV, 6.
  3. Luc, XVIII, 8.
  4. Ibid. 10
  5. Ps. XLIX, 1
  6. Ps. CXII, 1-3