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LES RÉTRACTATIONS. — LIVRE PREMIER.

choses incorporelles par les choses corporelles. Mais je ne pus achever que le livre de la Grammaire, qui fut ensuite perdu de ma bibliothèque, et six volumes sur la Musique, considérée dans ce qui a rapport avec ce qu’on nomme le Rhythme. Ces six livres, je les achevai après mon baptême, et étant en Afrique de retour d’Italie ; je n’avais fait que les commencer à Milan. Des cinq autres arts que j’avais également abordés, c’est-à-dire la Dialectique, la Rhétorique, la Géométrie, l’Arithmétique et la Philosophie, j’avais seulement posé les principes et nous les avons également perdus ; mais je pense qu’ils sont entre les mains de quelqu’un.


CHAPITRE VII.

des mœurs de l’église catholique et des mœurs des manichéens. — deux livres.


1. J’étais baptisé, je me trouvais à Rome et je ne pouvais tolérer la jactance des Manichéens qui se vantent de la fausse et fallacieuse continence ou abstinence pour laquelle, afin de tromper les ignorants, ils se préfèrent aux vrais chrétiens, avec qui ils ne sont pas dignes d’être comparés. J’écrivis donc deux livres, l’un sur les Mœurs de l’Église catholique, l’autre sur les Mœurs des Manichéens.

2. Dans celui qui traite des mœurs de l’Église catholique, j’ai apporté un témoignage où on lit : « À cause de vous, nous sommes frappés tout le jour ; on nous regarde comme des brebis de tuerie[1]. » J’ai été trompé par une faute de mon exemplaire, et je ne me souvenais pas assez des Écritures, avec lesquelles je n’étais pas encore familier. Les autres exemplaires ne portent pas : « à cause de vous, nous sommes frappés tout le jour ; » mais « nous sommes frappés de mort » ou, comme disent d’autres, « nous sommes mis à mort. » Ce sens est indiqué comme le plus vrai par les versions grecques, et c’est de cette langue, d’après la traduction des Septante, que les anciennes Écritures divines ont été transportées en latin. Cependant, je me suis beaucoup appuyé sur ce texte dans ma discussion[2], et je ne réprouve nullement comme faux ce que j’ai dit sur le fond des choses. Seulement, je n’ai pas démontré suffisamment par ces paroles la concordance que je désirais établir entre l’Ancien et le Nouveau Testament. D’où est venue mon erreur, je l’ai dit ; d’ailleurs, j’ai démontré cette concordance par beaucoup d’autres témoignages[3].

3. Semblablement, et presqu’aussitôt après, j’ai invoqué un passage du livre de la Sagesse, d’après mon exemplaire, où on lisait : « La sagesse enseigne la sobriété, la justice et la vertu[4]. » De cette citation j’ai déduit des choses très-vraies, mais à l’occasion d’une faute de copie[5]. Quoi de plus vrai en effet que de soutenir que la sagesse enseigne la vérité de la contemplation, que je supposais signifiée par le nom de sobriété ; et la probité des actes, que je croyais figurée par les deux autres mots justice et vertu ? Or, les manuscrits les plus authentiques de la même version disent : « Elle enseigne la sobriété et la sagesse, la justice et la vertu. » Le traducteur latin a nommé ici les quatre vertus qui sont le plus souvent dans la bouche des philosophes ; appelant sobriété la tempérance, donnant à la prudence le titre de sagesse, énonçant la force par le mot de vertu, et réservant à la justice seule son propre nom. Mais beaucoup plus tard nous avons trouvé dans les exemplaires grecs que ces quatre vertus portent, dans le livre de la Sagesse, les mêmes noms que leur donnent les Grecs. Ce que j’ai emprunté au livre de Salomon : « Vanité des vaniteux, dit l’Ecclésiaste[6], » je l’ai lu dans plusieurs textes, mais le grec ne l’a pas. Il dit : « Vanité des vanités. » Je ne l’ai vu qu’après. Je me suis assuré que le latin était plus exact, en disant des vanités plutôt que des vaniteux. Toutefois les déductions que j’ai tirées de ce texte fautif sont parfaitement légitimes, comme on peut s’en assurer[7].

4. Quant à ce que j’ai dit : « Celui-là même que nous voulons connaître, c’est-à-dire Dieu, commençons par l’aimer d’un entier amour[8] ; » il aurait mieux valu employer le mot sincère, que le mot entier ; car il ne faudrait pas que l’on pût supposer que l’amour de Dieu ne pourra pas être plus grand lorsque nous le verrons face à face. Que l’on veuille donc bien accepter cette expression en ce sens que l’entier amour soit le plus grand que nous puissions espérer, tant que nous marchons dans la foi ; il sera en effet plus complet, il sera absolument complet, mais par la claire vue. De même en parlant de ceux qui secou-

  1. Ps. XLIII, 23 ; Rom. VIII, 36.
  2. Liv. I, C. IX, n. 14, 15.
  3. Ibid. C. xvi, n. 26-29.
  4. Sap. VIII, 7.
  5. Liv. I, C. XVI, n. 27.
  6. Ecclés. I, 2.
  7. Liv. I, C. XXI, n. 39.
  8. Liv. I, C. XXV, n. 47.