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mentation pas trop écourtée ; d’autre part, aux assertions qui semblent contradictoires, en apportant immédiatement une solution, dans sa réponse, avant que l’adversaire ait fait suivre une nouvelle question ou un nouveau raisonnement ; car il n’est pas difficile d’entrevoir d’avance sur quoi porte son discours. C’est un point dont l’évidence doit ressortir du livre des Topiques [1], ainsi que les solutions à opposer.

VI. Il faut donner des motifs en manière de conclusion lorsqu’une question implique elle-même une conclusion.

Ainsi Sophocle[2], à qui Pisandre demandait s’il avait donné sa voix, comme les autres membres du Sénat, à l’établissement des Quatre-Cents : — « Oui, dit-il. — Eh quoi ! cela ne te semblait donc pas une mauvaise chose ? » — Il l’accorda : « Ainsi donc, dit l’autre, tu as fait là une mauvaise chose ? — Oui, répondit-il, mais parce qu’il n’y avait rien de mieux à faire. »

C’est comme ce Lacédémonien, rendant ses comptes d’éphorat, à qui l’on demandait s’il trouvait que ses collègues avaient mérité d’être condamnés. Il répondit que oui : « Mais tu as donné les mêmes avis que ces derniers ? » — Et comme il en convenait : « Eh bien ! donc, tu aurais mérité de subir la même condamnation. — Non pas, répliqua-t-il, car ils avaient reçu de l’argent pour agir comme ils l’ont fait ; moi, non : j’ai agi suivant ma conscience. »

Il ne faut donc poser de question ni après la conclusion ni comme conclusion, à moins que la vérité ne nous soit pleinement favorable.

VII. Quant à la plaisanterie (car elle me semble pouvoir être d’un certain usage dans les débats et

  1. Top., l. VIII.
  2. Mentionné déjà ci-dessus, l. I, ch. XIV, § 3.