Page:Aristote - Poétique et Rhétorique, trad. Ruelle.djvu/193

Cette page a été validée par deux contributeurs.

par exemple, ce que Callistrate impute à Mélanopus[1] d’avoir fait tort de trois demi-oboles sacrées aux ouvriers constructeurs des temples. Dans le sens de la justice, c’est l’inverse[2]. Or ces actes injustes résultent du tort considéré en puissance[3]. Ainsi celui qui a dérobé trois demi-oboles sera capable de commettre une injustice quelconque. Tantôt l’acte injuste est estimé plus grave à ce point de vue[4], tantôt en raison du dommage qui en est la conséquence.

II. L’acte injuste est aussi d’autant plus grave qu’il n’entraîne pas une punition d’égale importance, mais que la réparation en sera toujours, quelle qu’elle soit, d’un degré inférieur, ou qu’il ne pourra donner lieu à aucune réparation, car, dans ce cas, il est difficile, et même impossible, de punir le coupable comme il le mérite ; de même encore lorsque la personne préjudiciée ne peut obtenir justice, car la chose, alors, est irrémédiable ; or le jugement et la peine infligée sont comme des remèdes.

III. De même si la personne qui a subi un dommage ou une injustice s’est fait à elle-même un mal grave, l’auteur mérite alors un châtiment plus grave encore. Par exemple, Sophocle[5], plaidant pour Euctémon qui, à la suite d’un outrage reçu, s’était poignardé, prétendit que l’auteur de l’outrage ne méritait pas une peine inférieure au supplice que l’outragé s’était infligé à lui-même.

  1. Sur l’antagonisme politique de Callistrate et de Mélanopus, voir Plutarque, Démosthène, p. 851 F, qui parle aussi (un peu plus haut) de la renommée oratoire de Callistrate.
  2. Un acte important où la justice n’est pas en cause perdra, par suite, beaucoup de sa gravité, au point de vue délictueux.
  3. Dans sa portée.
  4. Eu égard à la portée de cet acte.
  5. Orateur athénien, un des dix magistrats élus avant les Quatre Cents, puis un des Trente. Cp., plus loin, III, 18, 6.