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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

envoie des missionnaires dans l’empire des Séleucides ; mais ce n’est que sous les princes grecs de la Bactriane qu’il se répand dans l’Iran orienlal. Fondé vers l’an 250, l’empire gréco-bactrien franchit l’Hindou-Kouch vers l’an 200, conquiert Caboul et le Panjâb et se transforme en empire indo-grec : dès l’an 190 avant notre ère, ses monnaies deviennent bilingues elle pâli d’Açoka prend place sur les légendes à côté du grec. L’empire gréco-bactrien périt vers l’an 125, l’empire indo-grec lui survit un siècle. Un de ses plus grands rois, Ménandre, laisse dans la tradition buddhique, sous le nom de Milinda, le renom d’un saint. Au commencement de l’ère chrétienne, les Scythes, qui ont déjà absorbé l’empire indo-bactrien, mettent un terme à l’empire indo-grec. Avec le plus grand d’entre eux, Kanishka, le Buddha paraît en personne sur les monnaies royales ; ces monnaies, du ier siècle de notre ère, offrent le premier spécimen connu du type divin, comme elles offrent le premier spécimen connu des divinités zoroastriennes.

De ces faits, résulte la conclusion que le Buddhisme a pu pénétrer l’Iran oriental dès le iie siècle avant notre ère, c’est-à-dire dès que les Gréco-Bactriens, en descendant dans les régions indiennes, eurent ouvert une voie de civilisation de l’Indus à l’Oxus. En fait, au ier siècle avant notre ère, il était établi en Bactriane. Alexandre Polyhistor, qui écrit vers l’an 80-60 avant le Christ, donne aux prêtres de la Bactriane le nom de Samanéens, Σαμαναῖοι[1] : c’est le nom vulgaire des prêtres buddhiques, Samana, altération palie et buddhique du Çramaṇa brahmanique ; c’est déjà le Shaman شمن de la littérature postérieure, destiné à une telle fortune dans toute l’Asie centrale[2]. Le Buddhisme, une fois installé dans ces régions, devait y subsister longtemps : il n’en fut extirpé que par l’Islam.

Si donc l’Avesta, dans sa forme actuelle, a des parties rédigées dans un voisinage buddhique, ces parties ne peuvent être antérieures au iie siècle, ou, pour laisser aux systèmes le temps suffisant de se connaître et de se mesurer, au ier siècle avant notre ère.

  1. Dans Clément d’Alexandrie, Stromates, I.
  2. Le shaman est proprement le prêtre du Bul, c’est-à-dire de l’idole buddhique (le Bul-parast). « Je fais adoration comme un Shaman aux Bul » (بر سآش كنم جون بتانر ا شمن).