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ANNALES DU MUSÉE GUIMET

didad d’Oxford, qui avaient été envoyés quelques années auparavant à Étienne Fourmont, l’oncle et le maître de Deshauterayes. Ces feuillets décidèrent de sa vocation et il résolut de donner à la France les livres de Zoroastre et la première traduction de ces livres. Encouragé par l’abbé Barthélémy et le comte de Caylus, il s’impatiente d’attendre une mission promise et s’engage comme simple soldat au service de la Compagnie des Indes. Il s’embarque à Lorient, le 24 février 1755, emportant une Bible et un Montaigne, et, après trois ans d’aventures et de traverses de toutes sortes, arrive le 28 avril 1758 à Surate, qui devait être pendant trois ans le centre de ses recherches. Arrivé au port, il faillit échouer, comme Frazer, devant la défiance et la mauvaise volonté des Parsis. Il triompha à la faveur des divisions qui agitaient Surate.

Les Parsis venaient de se partager entre deux sectes qui subsistent encore aujourd’hui[1]. Trente-cinq ans auparavant, les théologiens s’étaient divisés sur la question de savoir si l’on doit mettre aux mourants le Penom ou Padan 2[2], ce linge double dont les Parses se couvrent une partie du visage quand ils prient devant le feu et quand ils mangent, pour empêcher le souffle expiré de souiller les éléments purs. Un Dastùr estimé, venu du Kirman, Jamasp Vilàyatî, décida pour la négative, et, trouvant les Parsis de l’Inde fort ignorants, forma plusieurs disciples, entre autres Darab et Kaus. Kaus, ayant appris de Jamasp l’astronomie d’Ulugh-beg, annonça à ses coreligionnaires que le calendrier qu’ils suivaient était erroné, les intercalations nécessaires n’ayant pas été accomplies, et que l’équinoxe d’automne était d’un mois en retard, de sorte que tout le rituel, qui varie avec le temps, était vicié et que tous les actes du culte perdaient leur efficacité. Là-dessus, schisme. Les conservateurs l’emportèrent, et leur chef Mancherji, l’homme d’affaire des Hollandais, força Kaus et Darab à s’enfuir de Surate. Anquetil profita de ces querelles et Darab, après de longues répugnances, accepta de l’instruire, afin de s’assurer l’appui des Français contre son rival. Le 15 mars 1761, Anquetil quittait Surate : il allait à Oxford comparer ses manuscrits avec ceux de la Bodléienne et, après avoir constaté l’identité des textes, il rentra à Paris, le 14 mai 1762, et déposa

  1. Voir au chapitre vii.
  2. 2. Voir au chapitre iii.