Le Zend-Avesta (trad. Darmesteter)/Volume I/Introduction/Chapitre VII-1


 
Traduction de James Darmesteter

Édition : Musée Guimet. Publication : Ernest Leroux, Paris, 1892.
Annales du Musée Guimet, Tome 21.


INTRODUCTION
CHAPITRE VII
LES GÂTHAS
i.
Les Gâthas. Leur antériorité sur le reste de l’Avesta.


Les Gâthas diffèrent de tout le reste du Yasna et par la forme et par le fond.
Le mot Gâtha signifie « chant, chose chantée » et peut désigner tout morceau métrique et même un vers isolé[1]. Au sens technique, il désigne cinq poèmes ou groupes de poèmes, chacun rédigé dans un rythme différent, Les cinq Gâthas sont désignées par le mot initial ; ce sont :
1o La Gâtha Ahunavaiti, qui comprend sept Hàs (Hàs XXVIII-XXXIV).
2o La Gâtha Ushtavaiti, qui comprend quatre Hàs (Hàs XLIII-XLVI).
3o La Gâtha Speñtâ-Mainyû, qui comprend quatre Hàs (Hàs XLVII-L).
4o La Gâtha Vohukhshathra, constituée par le seul Hà LI.
5o La Gâtha Vahishtôishti, constituée par le seul Hâ LIII 1[2].

Il n’y a point d’indice que les trois premières Gâthas, les seules qui contiennent plusieurs Hàs, aient formé des groupes indépendants dès l’origine et été composées d’ensemble. Il est probable que l’unité réelle des Gâthas est le Hà. On ne voit pas, en effet, un plan suivi et différent se développant le long de chacune de ces Gâthas et le fond des idées est le même dans toutes les Gâthas et dans tous les Hàs. Il est permis de supposer que le groupement présent répond au rapport des rythmes : on a réuni en un groupe tous les Hâs composés sur le même mètre 2[3].

Les Gâthas sont la partie la plus ancienne de l’Avesta. Elles sont présentes dans toutes les autres parties de l’Avesta, soit citées en toutes lettres, soit imitées 3[4], soit invoquées par leur nom comme la partie la plus sainte du livre sacrée L’examen du fond confirme ce témoignage. Leur langue est archaïque de forme et de lexique : elle contient des formes et des mots qui ont disparu du zend vulgaire et ne se retrouvent plus que dans la langue la plus ancienne de l’Inde, la langue védique. Elles sont écrites en vers, seules de tout l’Avesta[5].



  1. Voir pages 477, note 2 ; 480, note 2.
  2. 1. Il ne faut pas confondre les Gâthas avec la littérature gâthique, laquelle est plus étendue et selon, le Cìmî Gâsân, commence aux trois Ashem vohù qui précèdent le Fravarànè (Y. XI, 16) et termine avec le Hâ Taṭ sὸidhish (Hà LVIII). Aux Gâthas proprement dites il faut joindre les trois Prières et l’Airyama ishyὸ (voir Vispéred, I, 4 et 8, et l’analyse des trois Nasks gâthiques, le Sûtkar, le Varshtmànsar et le Bak).
  3. 2. La Gâtha Ahunavaiti contient les Hâs du mètre 3 (7 + 9).
    Gâtha Ushtavaiti : Hâs du mètre 5 (4 + 7).
    Gâtha Spentâ-Mainyù ; Hâs du mètre 4 (4 + 7).
    Gâtha Vohukhshathra : Hâ du mètre 3 (7 + 7).
    Gâtha Vahishtôishti : Hâ du mètre
    Dans l’ordre et la succession des Gâthas on a suivi des principes analogues à ceux que l’on a suivis dans le groupement des Védas. On suit l’ordre décroissant. On commence par la Gâtha Ahunavaiti qui a le plus grand nombre de Hàs, 7 ; viennent ensuite les deux Gâthas de 4 Hàs, composées toutes deux de vers identiques (4 + 7) ; mais la strophe de la Gâtha Ushtavaiti contient 5 de ces vers, tandis que la Speñtâ-Mainyû n’en contient que 4, c’est pourquoi elle passe d’abord. Pour la même raison la Gâtha à un Hà, la Vohukhshathra, ayant 22 stances, passe avant la Vahishtôishti qui n’en a que neuf.
    Le Yasna Haptaṅhâiti, ayant été inséré dans les Gâthas, vient naturellement après l’Ahunavaiti et avant l’Ushtavaiti, parce qu’il a sept Hàs.
  4. 3. Yasna XXVIII, 6 b, imité Yasna IX, 16, 60 ; XXX, 7 c, imité Yt. VIII, 14 (?) ; XXXI, 7 a, imité Y. XII, 1 ; id., 12, cité XIV, 4 ; id., 20 c, cité Vd. V, 62 ; XXXII, 6 b, imité Yt. 1, 18 ; XXXIII, 7, cité Vd. XVII, 7 ; XXXIV, 7 c, cité Y. LVIII, 5 ; XXXIV, 8 b, imité Y. LVII, 10 ; XXXIV, 11 c, imité Yt. I, 8 ; XXXV, 2 et 5, cités Vd. XVIII, 43 et 49 ; id.. 4, cité Vd. XI, 6 ; XXXVI, 1, cité Vd. XI, 4 ; id., 2, 6, imité Y. LVIII, 7 ; XXXVIII, 1 et 3, cités Vd. XI, 5 ; XXXIX, 4-5, cité Y. XIII, 5-6 ; XLI, 5, cité Y. VII, 26 ; XLIII, 1, cité Yt. XXII, 6 ; XLIII, 3, cité Y. LIX, 29 et LX, 1 ; XLIII, 13 b, cité Y. LXI, 5 ; XLIV, 1, cité Vd. XIX, 10 ; XLIV, 3, cité Yt. VII, 2 ; XLIV, 6, cité Y. LXX, 13 ; XLIV, 16, cité Vd. VIII, 20 ; XI, 3 ; XX, 13 ; XLV, 6 b, cité Y. LU, 4 ; LXI, 5 ; XLV, 7, cité Y. VII, 24, imité Vp. XVIII, 2 ; XLV, 14, imité Y. LXX, 13 ; XLVI, reproduit tout entier Y. XVIII ; XLVI, 1, cité Yt. XXII, 20 ; XLVI, 3 b, cité LXIV, 1 ; XLVI, 7, cité Vd. VIII, 20 ; XI, 3 ; XX, 13 ; XLVIII, 2, imité Yt. I, 28 ; XLVIII, 3, imité Y. XIII, 14 ; XLVIII, 6, cité Vd. XI, 6 et XVII, 5 ; XLIX, 1, cité Vd. XI, 4 ; LI, 1 a et 22, cités Y. XV, 2 ; LI, 7, cité Y. XVIII, 1 ; LIV, 1, cité Y. XXVII, 5 ; Vd. XI, 7 et XX, 11. — Les cinq Gâthas sont citées par leurs noms dans le Vendidad et le Vispéred, dans l’ordre même qu’elles ont dans le Yasna : Vd. X, 4 ; XIX, 38 ; Vp. I, 4-8 ; 11, 6-10 ; cf. Vd. X, 8 et 12 ; Vp. XIV, XVI, XVIII, XIX, XXIII, XXIV. XLIII, 6, cité Vp. II, 5, imité Yt. XXIV, 14 ; XLIII, 10. cité Afrîngàn Rapithwin, 3.
  5. On trouve dans l’Avesta proprement dit nombre de morceaux, en prose rythmée, où domine le retour d’octosyllabes qui rappellent le pàda du çloka indien. C’est une tendance rythmique, rien de plus, et dont par suite on ne peut faire usage pour la critique du texte, encore moins pour sa restitution. Voir, sur les tentatives faites dans ce sens. Études iraniennes, II, 28-38.