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sance et presque en vénération ; c’est le Grand Lama de la secte et du monastère de Sakya[1], successeur héréditaire[2] de Matidvadja, le neveu du célèbre Sakya Pandita P’agspa convertisseur de la Mongolie, à qui l’empereur Khoubilaï-Khân conféra, en 1270, l’autorité spirituelle sur tout le Tibet[3]. Son autorité encore très grande malgré la prédominance de la secte orthodoxe des Gélougpas, devenue église d’État, est reconnue au moins nominalement par toutes les sectes des Lamas rouges qui l’opposent à celle du Dalaï-Lama.

Il a déjà été question précédemment du Dalaï-Lama et du Pantch’en Rinpotch’é[4] et de l’ingénieuse fiction par laquelle le cinquième Grand Lama de la secte Gélougpa, Ngavang Lobzang, se décerna à lui-même et à ses quatre prédécesseurs le titre d’incarnation perpétuelle de Tchanrési, le grand Bodhisattva protecteur du Tibet, en même temps qu’il faisait de son précepteur, Lobzang Tchoïkyi Gyaltsan, une incarnation du Bouddha Odpagmed (Amitâbha) et créait pour lui la dignité de Pantch’en Rinpotch’é. Le Dalaï-Lama est en réalité simplement le chef de la secte orthodoxe devenue prépondérante depuis 1642, époque où son Grand Lama fut investi par les empereurs de Chine du pouvoir spirituel et temporel, et, en dépit de l’infaillibilité que lui donne sa filiation (si l’on peut s’exprimer ainsi) divine, son autorité spirituelle et doctrinale est fréquemment contestée par les sectes dissidentes qui le considèrent cependant comme chef universel de la religion et le vénèrent en tant que véritable incarnation et représentant sur la terre de Tchanrési. Son autorité temporelle n’est guère plus grande. En réalité, elle est plus nominale que réelle, et

  1. Saskya.
  2. Les Lamas de la secte Sakya appartiennent à la confrérie des Lamas rouges et peuvent se marier.
  3. Voir page 140.
  4. Voir page 40, 144 et 190.