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un essor si considérable avec le cinquième de ces grands personnages. Celui-ci, Jé-Ngavang-Lozang-Thoubtan-Jigsmed-Gyéts’o[1] (1617-1682) mettant à profit les circonstances et jouant habilement de l’intérêt de la religion soi-disant menacée, sut armer contre le roi du Tibet les Mongols Kochots et se faire faire hommage du royaume par les vainqueurs, réunissant ainsi à son profit la souveraineté spirituelle et temporelle, restée intacte depuis lors, sous la protection de la Chine, entre les mains de ses successeurs, les Dalaï-Lamas[2], et élevant du même coup la secte Gélougpa à l’état de religion non seulement dominante, mais gouvernante, d’une théocratie absolue. C’est à Ngavang Lozang qu’on attribue l’invention géniale de l’incarnation perpétuelle du Dhyâni-Bodhisattva Tchanrési[3] dans les Dalaï-Lamas, qu’il étendit rétroactivement à ses quatre prédécesseurs, ainsi que la création de la dignité de Pantchen Rïnpotché[4], incarnation du Bouddha Odpagmed[5], instituée au profit de son ancien précepteur l’abbé de Galdan, Lozang tch’oikyi-gyelts’an[6], dont il fit en même temps le pontife indépendant de Tachilhounpo.

Ainsi que nous l’avons vu précédemment, en créant la secte Gélougpa Tsongkapa s’était donné la double tâche de moraliser le clergé et la religion. Au dire des historiens de la secte il réussit à accomplir la première partie de son programme et ramena les religieux, de son vivant tout au moins, à la pureté rigide de la discipline telle que l’avait instituée le Bouddha ; il dut de plus leur inculquer une foi vive et une grande activité intellectuelle : théologie, dogmatique, phi-

  1. Rje blo-bzang Nyag-dbangs t’ub-btan jigs-med rgya-mts’o.
  2. Leur titre véritable est Gyelva-Rinpotché, (Rgyal-ba-rïn-poc’e).
  3. Sp’yan-ras-gjigs, en sc, Avalokiteçvara, protecteur attitré du Tibet.
  4. Pan-c’en-rin-po c’e.
  5. Amitâbha, père spirituel d’Avalokiteçvara.
  6. Blo-bzang c’os-kyi rgyal-mts’an.