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et n’affecte pas d’une manière uniforme toute la surface des rochers. C’est une conséquence de sa nature mobile et incohérente que l’eau use, en creusant, d’une manière très-inégale et par saccades, le lit des torrens. La glace, au contraire, n’épargne pas plus les reliefs que les dépressions ; elle tend à niveler toutes les surfaces. Lorsqu’elle rencontre sur son chemin un rocher saillant, elle lui enlève ses arêtes, l’arrondit, et détermine ainsi ces formes bosselées que de Saussure a appelées roches moutonnées. Or, comme dans nos montagnes les parois et le fond des vallées, par suite des bouleversemens qu’ils ont subis, sont ordinairement inégaux et très-accidentés, il en résulte que les surfaces polies qui avoisinent les glaciers présentent en général cette forme de roches moutonnées (voy. Pl. 8). Les eaux exercent une action toute opposée ; elles ne polissent que les endroits qu’elles frappent avec violence, et, tout en les polissant, elles y creusent des anses, des baignoires et toute espèce d’excavations : de là vient que le lit des torrens les plus impétueux est très-irrégulièrement poli en creux, tandis que le poli des glaces présente une uniformité comparativement bien plus grande, et ces formes arrondies en relief que l’on n’observe jamais au fond des eaux, à moins que celles-ci ne coulent sur un ancien fond de glacier. Rien n’est plus instructif que de comparer ces deux sortes de poli, qui se trouvent très-souvent en contact dans un seul et même fond de vallée ; il suffit d’avoir