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aux raisons d’où nous les avons tirées. » Car la connoissance des premiers principes, ou axiomes n’a pas accoutumé d’être appelée science par les dialecticiens. Mais quand nous apercevons que nous sommes des choses qui pensent, c’est une première notion qui n’est tirée d’aucun syllogisme : et lorsque quelqu’un dit, Je pense, donc je suis, ou j’existe, il ne conclut pas son existence de sa pensée comme par la force de quelque syllogisme, mais comme une chose connue de soi ; il la voit par une simple inspection de l’esprit : comme il paroît de ce que s’il la déduisoit d’un syllogisme, il auroit dû auparavant connoître cette majeure, Tout ce qui pense est, ou existe : mais au contraire elle lui est enseignée de ce qu’il sent en lui-même qu’il ne se peut pas faire qu’il pense, s’il n’existe. Car c’est le propre de notre esprit, de former les propositions générales de la connoissance dès particulières.

Or, qu’un athée[1] puisse connoître clairement que les trois angles d’un triangle sont égaux à deux droits, je ne le nie pas ; mais je maintiens seulement que la connoissance qu’il en a n’est pas une vraie science, parceque toute connoissance qui peut être rendue douteuse ne doit pas être appelée du nom de science ; et puisque l’on suppose que celui-là est un athée, il ne peut pas être certain de n’être point déçu dans les choses qui lui semblent

  1. Voyez secondes objections, page 403