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AUTRE COMPLOT. — ACCUEIL FAIT AUX ÉTRANGERS

Antérieurement[1], un autre dangereux complot avait éclaté contre le roi en Germanie. Quelques-uns des auteurs en furent punis par la perte de la vue, d’autres s’en tirèrent sans peines corporelles, tous furent envoyés en exil ; mais aucun ne fut mis à mort, sauf trois d’entre eux qui, se défendant les armes à la main pour éviter d’être pris, et ayant même ainsi fait quelques victimes, furent tués faute de pouvoir être maîtrisés autrement.

De ces complots, la cruauté de la reine Fastrade fut, croit-on, la cause initiale[2] : si l’on conspira, dans les deux cas, contre le roi, c’est parce que, pour satisfaire la cruauté de son épouse, il était, semblait-il, terriblement sorti de sa bonté naturelle et de sa mansuétude coutumière. Sans quoi, tout le reste de sa vie, chez lui ou au dehors, il sut si bien se concilier la sympathie et l’affection de tous que nul ne lui fit jamais le moindre reproche d’une injuste violence.

[21.] Il aimait les étrangers et les accueillait avec beaucoup d’égards. Aussi leur nombre fut-il tel bientôt qu’on put trouver, non sans raison, qu’ils constituaient une lourde charge non seulement pour le palais, mais pour le royaume[3]. Mais il avait assez de grandeur d’âme pour ne pas s’en montrer affecté et pour trouver dans la réputation de largesse et

  1. En 785 ou en 786, avant Pâques. Éginhard a ici consulté, outre le texte précédent, l’année 785 des Annales royales, 2e rédaction : « Facta est eodem anno trans Rhenum apud orientales Francos adversus regem immodica conjuratio cujus auctorem Hardradum comitem fuisse constabat… Tarn valida conspiratio… brevi conquievit, auctoribus ejus partim privatione luminum, partim exilii deportatione condemnatis » (éd. Kurze, p. 71).
  2. Éginhard étend ici, sans raison à ce qu’il semble, au complot du comte Hardrad (785-786) ce que les Annales disent du complot de Pépin le Bossu seulement (voir l’avant-dernière note) ; et il est difficile, en outre, de savoir ce que valent au juste les détails qu’il ajoute de son cru.
  3. Parmi ces étrangers figuraient notamment les « Scots », contre lesquels Éginhard avait eu l’occasion d’exercer sa verve dans les premiers temps qu’il était au palais carolingien. Voir nos Études critiques sur l’histoire de Charlemagne, p. 70.