Page:Éginhard - Vie de Charlemagne, trad. Halphen, 1923.djvu/87

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
55
VIE PRIVÉE DE CHARLEMAGNE

en Étrurie, qui, grâce à une trahison, fut prise et pillée par les Maures, et de quelques îles de Frise proches du littoral germanique, qui furent ravagées par les Normands.

[18.] Tel fut son rôle pour la défense, l’accroissement et aussi l’embellissement du royaume. Je parlerai maintenant de ses qualités morales, de son extraordinaire constance dans toutes les conjonctures heureuses ou malheureuses et, d’une façon générale, de tout ce qui touche à sa vie privée et intime[1].

Quand, après la mort de son père, il gouverna le royaume de moitié avec son frère, il endura avec une telle patience[2] la haine et la jalousie de ce dernier[3] que tous furent surpris de ne le voir même pas s’emporter contre lui.

Ensuite[4], sur les conseils de sa mère, il épousa la fille du roi des Lombards Didier[5]. Il la répudia au bout d’un an[6], on ne sait pourquoi, et se maria avec Hildegarde, une

  1. Suétone continue à être le modèle dont Éginhard s’inspire : les chapitres qui suivent sont une réplique aux chapitres lxi et suivants de la Vie d’Auguste, lesquels débutent ainsi : « Quoniam qualis in imperiis ac magistratibus regendaque… pace belloque re publica fuerit exposui, referam nunc interiorem ac familiarem ejus vitam, etc. » (lxi, 1). — En même temps, plusieurs expressions sont empruntées au passage de la Vie de César (xliv, 1) consacré aux projets divers de ce dernier : « Nam de ornanda instruendaque urbe, item de tuendo ampliandoque imperio plura ac majora… destinabat. »
  2. Les Annales royales, 2e rédaction, ann. 771 (éd. Kurze, p. 33), avaient déjà parlé en termes analogues de la « patience » avec laquelle Charles avait « supporté » la fuite de la veuve et des enfants de Carloman (« Rex autem profectionem eorum… patienter tulit »).
  3. Cf. plus haut, § 3.
  4. Le paragraphe qui suit répond aux chapitres lxii et lxiii de la Vie d’Auguste, dont Éginhard reprend à son compte plusieurs expressions. Parlant en effet des mariages de l’empereur romain, Suétone écrit : « Claudiam, Fulviae… filiam, duxit uxorem… ac, simultate cum Fulvia socru orta, dimisit… Mox Scriboniam in matrimonium accepit. Cum hac quoque divortium fecit ac statim Liviam Drusillam… abduxit… Ex Scribonia Juliam, ex Livia nihil liberorum tulit. »
  5. Probablement en 770. On ignore le nom de cette première épouse de Charlemagne, qu’on a souvent, par confusion, appelée Désirée (Desiderata). Voir S. Hellmann, dans le Neues Archiv der Gesellschaft für ältere deutsche Geschichtsforschung, t. XXXIV (1909), p. 208 et suiv.
  6. On ignore la date précise de cette répudiation.