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ÉTENDUE DES CONQUÊTES DE CHARLEMAGNE

les plus fertiles de l’Espagne, se jette dans la mer Baléare sous les murs de la cité de Tortosa[1] ; il y ajouta toute l’Italie[2], qui, d’Aoste jusqu’à la Calabre inférieure, où se trouve la frontière entre les Grecs et les Bénéventains, s’étend sur une longueur de plus d’un million de pas[3] ; il y joignit la Saxe, qui forme une grande partie de la Germanie, où elle occupe un espace d’une longueur qui peut être égale à celui qu’y occupent les Francs, et d’une largeur qu’on estime au double ; il y joignit encore les deux Pannonies, la Dacie (sur l’autre rive du Danube), l’Istrie, la Liburnie, la Dalmatie, à l’exception des cités maritimes qu’il abandonna à l’empereur de Constantinople en gage d’amitié et d’alliance[4] ; et enfin, entre le Rhin, la Vistule, l’Océan et le Danube, il dompta et soumit au tribut tous les peuples barbares et sauvages de Germanie, qui se ressemblent par leur langage, encore qu’ils se différencient beaucoup par leurs mœurs et leur façon de vivre, et au premier rang desquels on peut placer les Wélatabes, les Sorabes, les Abodrites, les Bohémiens, contre qui il fut en guerre, tandis que les autres, en bien plus grand nombre, faisaient d’eux-mêmes leur soumission.

[16.] Il accrut, d’autre part, la gloire de son royaume en se conciliant l’amitié de plusieurs rois et de plusieurs peuples[5].

Il s’attacha, par exemple, si étroitement Alfonse, roi de

  1. Même observation qu’à la note précédente : en l’année 809, les Annales royales (éd. Kurze, p. 127), qu’Éginhard avait pourtant sous les yeux, relatent l’échec des tentatives faites par l’armée franque pour s’emparer précisément de Tortosa et, du même coup, porter jusqu’à l’Èbre la domination franque.
  2. Nouvelle exagération : Éginhard prolonge indûment jusqu’en Calabre l’empire carolingien.
  3. Renseignement emprunté à Solin, Collectanea rerum memorabilium, II, 23 : « Italiae longitudo, quae ab Augusta Praetoria… porrigitur usque ad oppidum Regium, decies centena et viginti millia passuum colligit » (éd. Th. Mommsen, 1864, p. 40).
  4. Ceci en partie d’après les Annales royales, ann. 810 (lesquelles cependant ne parlent à ce propos que de la Vénétie), mais avec des détails nouveaux.
  5. Éginhard continue à suivre le plan de la Vie d’Auguste par Suétone : après avoir rappelé les guerres soutenues par l’empereur romain, le biographe des Césars affirme (XXI, 2) que son héros ne chercha pas à accroître coûte que coûte sa gloire militaire (bellicam gloriam augendi) et nous le montre (XXI, 3) incitant les peuples à rechercher son amitié (ad amicitiam suam populique Romani per legatos petendam).