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GUERRE CONTRE LES AVARS

était plein du fol espoir de placer toute la Germanie sous sa domination ; il traitait aussi la Frise et la Saxe comme des provinces de ses États. Et déjà il avait réduit en son pouvoir ses voisins les Abodrites et les avait contraints à lui payer tribut ; il se flattait même d’arriver bientôt en forces à Aix, où était la cour du roi. Et, loin de refuser absolument tout crédit à ces vantardises, on s’attendait à le voir faire quelque tentative de ce genre, lorsqu’une mort soudaine l’en empêcha : il fut tué par un de ses gardes du corps, et sa disparition précipita la fin de la lutte[1].

[15.] Telles sont les guerres que ce roi tout puissant, au cours des quarante-sept années de son règne, fit dans les diverses parties du monde avec autant de prudence que de bonheur. Aussi le royaume des Francs, que son père Pépin lui avait transmis déjà vaste et fort, sortit-il de ses mains glorieuses accru de près du double[2]. Avant lui, en effet, ce royaume, abstraction faite du pays des Alamans et de celui des Bavarois, qui en formaient une dépendance, comprenait seulement la partie de la Gaule sise entre le Rhin, la Loire, l’Océan[3] et la mer Baléare et la partie de la Germanie habitée par les Francs dits Orientaux, entre la Saxe, le Danube, le Rhin et la Saale, qui sépare le pays des Thuringiens de celui des Sorabes. À la suite des guerres que nous venons de rappeler, il y annexa l’Aquitaine[4], la Gascogne[5], toute la chaîne des Pyrénées et le pays jusqu’à l’Èbre, qui, né en Navarre et après avoir coupé les plaines

  1. En fait, la guerre n’eut pas lieu : elle allait éclater quand Godefrid fut assassiné.
  2. Avant Éginhard, Paul Diacre avait déjà, dans son Histoire des évêques de Metz, parlé en termes analogues de l’extension du royaume franc sous Charlemagne : « Hujus [Pippini] item filius magnus rex Karolus extitit qui Francorum regnum sicut numquam ante fuerat dilatavit » (Monumenta Germamae, Scriptores, t. II, p. 265).
  3. Pour mieux exalter son héros, Éginhard restreint à l’excès l’étendue du royaume franc à l’avènement de Charlemagne : l’Aquitaine, quelque insoumis que fussent ses ducs, faisait, dès l’époque de Pépin le Bref, partie intégrante du royaume franc au même titre que le duché de Bavière, lui aussi en perpétuelle rébellion.
  4. Voir la note précédente.
  5. Ici Éginhard déforme les faits en sens inverse : il grossit les gains réalisés par Charlemagne, en lui imputant à tort la conquête de la Gascogne.