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RÈGNE DE PÉPIN LE BREF

romain[1], de la mairie du palais à la dignité royale, régna seul sur les Francs une quinzaine d’années. Comme il venait d’achever la guerre aquitanique, qu’il avait entreprise contre le duc d’Aquitaine Waïfre et menée sans répit pendant neuf années[2], il mourut à Paris d’hydropisie[3], laissant deux fils, Charles et Carloman à qui, par la volonté divine, fut dévolue sa succession. Les Francs, en effet, réunis en assemblée générale, les choisirent tous deux pour rois[4], à cette double condition qu’ils se partageraient par fractions égales la totalité du royaume et que Charles recevrait le gouvernement des territoires jadis occupés par leur père Pépin, tandis que ceux auxquels leur oncle Carloman avait été préposé seraient confiés à Carloman[5].

Ces conditions ayant été acceptées de part et d’autre, chacun des deux frères reçut la fraction du royaume qui lui avait été attribuée et la concorde put être maintenue entre eux, quoique au prix de graves difficultés : car nombreux furent les partisans de Carloman qui tentèrent de rompre leur accord[6], certains allant même jusqu’à les pousser à la guerre. Mais la suite des événements prouva que le danger était moindre qu’on ne l’aurait pu craindre, puisqu’à la mort de son époux, la femme de Carloman s’enfuit en Italie avec ses fils et quelques-uns des grands de sa cour, pour aller,

  1. Ceci encore d’après les Annales royales (texte cité p. 8, n. 2).
  2. Ce calcul a été facilement fait d’après les Annales royales où, de 760 à 768, il est question chaque année de la guerre contre Waïfre.
  3. Les Annales royales (2e rédaction, ann. 768, éd. Kurze, p. 27) avaient déjà dit dans les mêmes termes : « Inde cum ad Parisios venisset, viii. kalendas octobris diem obiit. » Éginhard a ajouté l’indication de la maladie à laquelle Pépin aurait succombé, en reprenant à son compte une expression de Suétone, touchant le père de Néron : « Decessitque Pyrgis morbo aquae intercutis » (Vie de Néron, V, 2). Nous ignorons d’ailleurs si ce rapprochement entre la mort du père de Charlemagne et celle du père de l’empereur romain était vraiment justifié.
  4. Éginhard continue à suivre les Annales royales (2e rédaction, ann. 768 et 769, éd. Kurze, p. 29) : « Filii vero ejus Karlus et Karlomannus consensu omnium Francorum reges creati… patri succedentes regnum inter se partiti sunt. »
  5. Inexact : la répartition des territoires ne fut pas la même dans les deux cas.
  6. Éginhard l’avait pu lire dans les Annales royales (2e rédaction, ann. 769, éd. Kurze, p. 29), où il est question des efforts faits par « les grands » de Carloman pour l’empêcher de prêter main-forte à Charlemagne.