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XII
SOURCES DE LA VIE DE CHARLEMAGNE

près tout ce qu’il dit de la politique extérieure du roi franc et de ses guerres — au total environ un tiers de sa biographie. On verra même qu’il s’en est inspiré de si près que bien des pages de son opuscule prennent l’aspect d’un simple centon, où les phrases de l’annaliste alternent avec celles de Suétone.

Parmi les textes qu’il a consultés, nous reconnaissons encore l’Histoire des évêques de Metz[1], composée par Paul Diacre vers 784, et les Continuateurs de Frédégaire, qui lui ont fourni le peu qu’il sait de Charles Martel (§ 2) ; nous devinons qu’il a dû avoir entre les mains quelque opuscule de propagande sur la chute des Mérovingiens et l’avènement de Pépin le Bref (§ 1) ; enfin ses fonctions de secrétaire de Louis le Pieux lui ont permis de connaître le testament de Charlemagne (§ 33) et de parcourir le dossier de la correspondance diplomatique échangée entre l’empereur et les souverains étrangers (§ 16 et § 18). — Pour le surplus, il a eu recours à ses propres souvenirs.

Grâce à cette méthode, il a été à même d’écrire une œuvre très nettement supérieure au point de vue de la forme à tout ce que le moyen âge occidental avait jusqu’alors produit en ce genre. Qu’on compare cette biographie bien ordonnée, en dépit de quelques gaucheries, d’un style ferme et relativement correct, aux vies de saints antérieures, et l’on mesurera le chemin parcouru.

Il eût certes été facile de trouver un modèle d’une pureté plus classique que Suétone ; mais, avec tous ses défauts, celui-ci offrait l’avantage d’une composition et d’une psychologie simples, sans nuances — exactement ce qu’il fallait à des hommes du début du ixe siècle. Par lui, l’attention d’Éginhard a pu être ainsi plus facilement attirée sur cer-

  1. Voir les notes des chapitres 2, 15, 18, 20, 24.