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IX
VALEUR DU TÉMOIGNAGE D’ÉGINHARD

de foi, à s’inspirer enfin de cette Cité de Dieu dont les prélats depuis lors avaient en vain cherché à tirer une doctrine d’État.

2. Valeur du témoignage d’Éginhard. — Il est certain, en tout cas, que, même lorsqu’il parle des dernières années de Charles, Éginhard commet d’étonnantes confusions, que nous aurons plus d’une fois l’occasion de souligner en note. Mais d’autres erreurs, que notre commentaire permettra de corriger, semblent s’expliquer aussi par un inquiétant défaut de clairvoyance.

Il faut, de plus, se défier de sa partialité. Il ne s’est pas caché dans sa préface d’avoir voulu écrire un panégyrique — et l’on s’en aperçoit. Les quelques revers, les quelques incidents pénibles du règne qu’il ne croit pas pouvoir taire sont atténués, entourés d’excuses. Les torts ne sont jamais du côté du roi franc ; chacun de ses actes, chacun de ses gestes est dicté par les plus nobles sentiments. Renonce-t-il à poursuivre un ennemi ? C’est par abnégation, pour ne pas faire souffrir inutilement le pauvre peuple (§ 10). Est-il battu ? C’est pour lui une occasion de montrer de la grandeur d’âme (§ 7, 8, 18). À la haine et aux manœuvres déloyales de son frère Carloman, il oppose un calme et une patience angéliques (§ 18). Il n’est guère d’événement qui ne fournisse au biographe l’occasion de vanter la sagesse, l’énergie, la ténacité, le courage, la constance, l’abnégation, la magnanimité, la tendresse de cœur, la générosité, la charité, la tempérance de son héros : chef d’État incomparable, général de première force, fils parfait, père accompli, excellent frère, excellent oncle, ami dévoué, de belle prestance, parlant bien et — détail qui a frappé Éginhard — le meilleur nageur de son temps (§ 22), Charlemagne nous est présenté comme le modèle de toutes les vertus.

Enfin, en étudiant la méthode de travail de notre biographe,