Œuvres complètes de François CoppéeLibrairie Aldre HoussiauxPoésies, tome IV (p. 127-128).

PÂLEUR


 

Je l’apercevais, chaque soir,
La blonde et chétive apprentie,
Dont un vieux beau, sur le trottoir,
Guettait ardemment la sortie.

Seize ans, l’air déjà vicieux
Et cherchant le regard du mâle ;
Mais des cheveux, des dents,. des yeux !…
Et pâle, si joliment pâle !

Triomphante, entre trois amants,
Dans sa loge, un soir de « première »,


Je la revis, ses diamants
M’éclaboussant de leur lumière.

Malgré ses traits un peu plus lourds
Et ses grands yeux cernés de hâle,
La superbe fille !… Et toujours
Pâle, magnifiquement pâle !
 
Sur le marbre d’un hôpital
Hier enfin je l’ai reconnue.
Le cadavre, au grand jour brutal,
Montrait sa maigreur froide et nue.

Le visage gardait encor
La grimace du dernier râle,
Hideuse sous les cheveux d’or…
Fi, l’horreur ! Comme elle était pâle !