Traduction par Auguste Lacaussade.
Delloye (p. 192-203).
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LATHMON.


POÈME


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Argument.
Lathmon, prince breton, profitant de l’absence de Fingal, qui était en Irlande, fit une descente dans le pays de Morven, et s’avança jusqu’en vue de Selma, résidence royale. Fingal arriva alors, et Lathmon se retira sur une colline où son armée fut surprise par la nuit, et lui-même fait prisonnier par Ossian et Gaul, fils de Morni. Le poème commence au moment où Fingal paraît sur la côte de Morven, et finit, comme on peut le supposer, vers la moitié du jour suivant.

Selma, tes salles sont silencieuses ; il n’est aucun bruit dans les bois de Morven, et la vague seule se brise sur la côte. Le silencieux rayon du soleil est sur la plaine. Les filles de Morven s’avancent, belles comme l’arc de la pluie : le regard tourné vers la verte Érin, elles cherchent sur les flots les blanches voiles du roi. Il a promis de revenir, mais le veut du nord s’est levé.

Qui descend de la colline de l’est, comme un torrent de ténèbres ? C’est l’armée de Lathmon. Il a appris l’absence de Fingal ; il se fie sur les vents du nord, et son âme brille de joie. Pourquoi viens-tu, ô Lathmon ? les puissants ne sont point dans Selma. Pourquoi viens-tu avec ta lance levée ? les filles de Morven combattront-elles ? Mais arrête-toi dans la course, ô superbe torrent ! Lathmon, ne vois-tu pas ces voiles ? Pourquoi disparais-tu comme le brouillard du lac ? Mais le vent de la tempête est derrière toi : Fingal est sur tes pas !

Le roi de Morven s’était réveillé subitement, tandis que nous roulions sur la vague sombre et bleue. Il porta sa main à sa lance, et ses héros se levèrent autour de lui. Nous comprîmes qu’il avait vu ses pères, car souvent ils descendent dans ses songes, quand l’épée de l’ennemi est levée sur son pays et que la bataille s’assombrit autour de nous. — « Pourquoi as-tu fui, ô vent ? s’écria le roi de Morven ; frémis-tu dans les vallons du midi, ou poursuis-tu la pluie dans les autres contrées ? Pourquoi ne souffles-tu point dans mes voiles et sur la surface bleue de mes vagues ? L’ennemi est dans la terre de Morven et le roi est absent. Que chacun se couvre de son armure et saisisse son bouclier. Étendez vos lances sur les flots, et que chaque épée soit tirée du fourreau. Lathmon est devant nous avec son armée ; Lathmon, qui a fui devant Fingal sur les plaines de Lona. Mais il revient comme un torrent grossi, et son rugissement est entre nos collines. »

Telles furent les paroles de Fingal. Nous entrâmes dans la baie de Carmon. Ossian gravit la colline et trois fois il frappa les bosses de son bouclier. Le rocher de Morven répondit et les biches s’enfuirent en bondissant. L’ennemi se troubla en ma présence et rassembla son armée. Je me tenais comme un nuage sur la colline, me réjouissant dans les armes de ma jeunesse.

Morni était assis sous un arbre, près des eaux rugissantes de Strumon. L’âge a blanchi ses cheveux : il s’appuie sur son bâton ; le jeune Gaul est auprès du héros, prêtant l’oreille aux combats de son père. Souvent, dans le feu de son âme, il se lève au récit des hauts faits de Morni. Le vieillard entendit le son du bouclier d’Ossian : il reconnut le signal de la guerre. Aussitôt il se lève de sa place ; ses cheveux blancs se partagent sur ses épaules : il se rappelle les actions îles années évanouies.

« Mon fils, dit-il au blond Gaul, j’entends le son de la guerre. Le roi de Morven est de retour ; ses signaux sont répandus sur le vent. Va, dans les salles de Strumon, chercher les armes de Morni ; apporte-moi le bouclier des dernières années de mon père, car mon bras commence à s’affaiblir. Pour toi, prends ton armure, ô Gaul ! et vole à ta première bataille. Que ton bras atteigne à la gloire de tes pères, et que ta course, dans le champ des combats, soit rapide comme les ailes de l’aigle ! Pourquoi craindrais-tu la mort, ô mon fils ! Les braves tombent avec gloire ; leurs boucliers détournent le noir torrent des dangers, et la renommée repose sur leurs cheveux blanchis. Ne vois-tu pas, ô Gaul ! combien sont honorés les pas de ma vieillesse ? Morni s’avance, et les jeunes hommes le rencontrent, sur sa route, avec une joie silencieuse. Aussi, mon fils, je n’ai jamais fui le danger : mon épée a brillé dans les ténèbres de la guerre ; l’étranger s’évanouissait devant moi, et ma présence consumait le superbe. »

Gaul apporta les armes de Morni : le vieux guerrier est couvert d’acier. Il prend dans sa main la lance encore tachée du sang des braves, et s’avance vers Fingal : son fils accompagne ses pas. Le fils de Comhal se leva avec joie en le voyant s’approcher sous ses boucles de vieillesse.

« Chef de la rugissante Strumon, dit l’âme émue de Fingal, est-ce toi que je vois en armes, toi que la force a abandonné ? Morni a souvent brillé dans les combats comme le rayon du soleil levant, quand il disperse les orages de la colline et qu’il apporte la paix aux plaines étincelantes ; mais pourquoi, dans ta vieillesse, ne te reposes-tu pas ? Ta renommée est dans les chants ; le peuple te contemple et bénit le départ du puissant Morni : pourquoi, dans ta vieillesse, ne te reposes-tu pas ? L’ennemi sévanouira devant Fingal ! »

« Fils de Comhal, répondit le chef, la force manque au bras de Morni. J’essaie de tirer l’épée de ma jeunesse, mais elle reste immobile. Je jette ma lance, mais elle tombe avant le but, et je sens le poids de mon bouclier. Nous nous flétrissons comme l’herbe de la colline : notre force ne revient plus. J’ai un fils, ô Fingal ! son âme s’est réjouie des hauts faits de Morni ; mais son épée ne s’est point encore levée contre l’ennemi ; sa renommée n’a point encore commencé. Je viens avec lui à la guerre pour diriger son bras dans le combat. Sa gloire sera une lumière pour mon âme à l’heure sombre de mon départ. Oh ! puisse le nom de Morni être oublié parmi les guerriers ! puissent les héros se dire seulement : Regardez le père de Gaul ! »

« Roi de Strumon, répondit Fingal, Gaul lèvera l’épée dans le combat ; mais il la lèvera près de Fingal : mon bras défendra sa jeunesse. Mais repose-toi dans les salles de Selma et prête l’oreille à notre renommée. Dis qu’on accorde la harpe et que la voix du barde s’élève, afin que ceux qui vont tomber se réjouissent dans leur gloire, et que la joie rayonne dans l’âme de Morni. Ossian, tu as combattu plus d’une fois ; le sang des étrangers est sur ta lance ; que ta course dans la mêlée soit la course de Gaul ; mais ne vous éloignez pas de Fingal de peur que l’ennemi ne vous surprenne seuls et que votre gloire ne s’éteigne en ma présence. »

Je vis Gaul sous ses armes et mon âme se confondit avec la sienne. Le feu des combats était dans ses yeux ! avec joie il regardait l’ennemi. Nous nous disions en secret les paroles de l’amitié ; les éclairs de nos épées jaillissaient ensemble, car nous les tirions derrière la forêt pour essayer la force de nos bras dans le vide de l’air.

La nuit descendit sur Morven. Fingal s’assit devant la lumière d’un chêne. Morni, à ses côtés, était assis sous ses boucles ondoyantes et blanches. Ils s parlaient des temps passés et des grandes actions de leurs pères. Trois bardes, de temps à autre, touchaient la harpe : Ullin se tenait près d’eux avec ses chants. Il chante le puissant Comhal, mais les ténèbres s’amassent sur le front de Morni. Il roule sur Ullin un œil enflammé, et le chant du barde cesse aussitôt. Fingal observe le vieillard et lui dit avec douceur : « Chef de Strumon, pourquoi cet air sombre ? Que les jours des autres années soient oubliés. Nos pères ont lutté dans la guerre : mais nous sommes ensemble, assis au même festin. Nos épées sont tournées contre l’ennemi de notre terre : devant nous il s’évanouira sur la plaine. Oublions les jours de nos aïeux, ô héros de la verte Strumon ! »

« Roi de Morven, répondit le chef, c’est avec joie que je me souviens de ton père. Il était terrible dans le combat et sa colère était mortelle. Mes yeux furent pleins de larmes lorsque tomba le roi des héros ! Le brave tombe, ô Fingal, le fiible reste sur les collines. Que de héros ont passé dans les jours de Morni ! Cependant, je n’aijamais évité le combat ; je n’ai jamais fui la lutte des braves ! Fingal, la nuit nous environne, que tes amis se reposent afin de selever plus forts pour combattre Lathmon. J’entends le bruit de son armée semblable au tonnerre qui se meut sur les montagnes. Ossian, et toi Gaul aux blontls cheveux, vous êtes jeunes et rapides à la course : allez, et de cette colline boisée observez les ennemis de Fingal, mais n’approchez pas ; vos pères ne seront point là pour vous couvrir de leurs boucliers. Que votre gloire ne s’éteigne pas subitement, car la valeur peut trahir la jeunesse ! »

Nous entendîmes avec joie les paroles du chef. Nous partons dans le bruit de nos armes. Déjà nos pas sont dans les bois de la colline. Le ciel est illuminé de toutes ses étoiles. Les météores de la mort volaient sur la plaine et le bruit lointain de l’ennemi arrivait à nos oreilles. Ce fut alors que Gaul, la main sur son épée à demi tirée, me dit, dans sa valeur : « Fils de Fingal, pourquoi l’âme de Gaul brûle-t-elle ? Mon cœur bat avec force ; mes pas sont mal assurés et ma main tremble sur mon épée. Quand je regarde les ennemis, mon âme brille devant moi. Je vois leur armée endormie. Les âmes des braves tremblent-elles ainsi dans les combats de la lance. Combien grande serait la joie de Morni si nous fondions sur l’ennemi ! Notre renommée croîtrait dans les chants et nos pas seraient majestueux aux yeux des braves. »

« Fils de Morni, lui répondis-je, mon âme se plaît dans la guerre. J’aime à briller seul dans la bataille et à léguer mon nom aux bardes. Mais, si l’ennemi triomphait, comment soutenir les regards du roi ! Ils sont terribles dans sa colère, ils sont semblables aux flammes de la mort ! Non ! je ne les soutiendrai pas dans son courroux : Ossian va vaincre ou succomber ! Mais la gloire des vaincus s’élève-t-elle jamais ? Ils passent comme une ombre. Mais la gloire d’Ossian s’élèvera. Ses actions égaleront les actions de son père. Volons dans nos armes, fils de Morni, volons au combat ! Si tu en reviens, ô Gaul, rends-toi au noble palais de Selma. Dis à Éverallin que je suis tombé avec gloire ; porte cette épée à la fille de Branno : qu’elle la donne à Oscar quand les années auront mûri sa jeunesse. »

« Fils de Fingal, répondit Gaul avec un soupir, reviendrais-je du combat si Ossian succombait ? Que dirait mon père ? Que dirait Fingal le roi des hommes ? Le faible détournerait les yeux et dirait : « Voyez Gaul, celui qui abandonna son ami dans son sang ! » Non, vous ne me reverrez point, hommes faibles, si ce n’est au milieu de ma gloire ! Ossian, j’ai appris de mon père les hauts faits des héros ; leurs hauts faits alors qu’ils étaient seuls ! Car l’âme grandit dans les dangers ! »

« Fils de Morni, répliquai-je, et je marchais devant lui sur la bruyère, nos pères loueront notre valeur quand ils pleureront notre chute. Un rayon de joie se lèvera sur leurs âmes, lorsque leurs yeux se rempliront de larmes. Ils diront : « Nos fils ne sont point tombes inconnus ; ils ont semé la mort autour d’eux. » Mais pourquoi penser à l’étroite demeure ? L’épée défend le brave : la mort poursuit le faible dans sa fuite et son nom meurt avec lui ! »

Nous nous précipitons à travers la nuit et nous arrivons près d’un torrent écumant qui, autour de l’ennemi, dirigeait sa course bleue à travers les arbres dont l’écho répétait son murmure. Nous arrivons sur ses bords et nous voyons l’armée endormie. Leurs feux s’étaient éteints sur la plaine ; les pas solitaires des sentinelles s’étaient éloignés. J’étendis ma lance devant moi pour soutenir mes pas et franchir le torrent ; mais Gaul me prit la main et m’adressa les paroles du brave : « Le fils de Fingal fondra-t-il sur un ennemi qui dort ? Viendra-t-il pendant la nuit comme le vent impétueux qui déracine en secret les jeunes arbres ? Ce n’est point ainsi que Fingal a conquis sa renommée. Ce n’est point pour de telles actions que la gloire repose sur les cheveux blancs de Morni. Frappe, Ossian, frappe ton bouclier. Qu’ils se réveillent ces mille guerriers ! Qu’ils viennent attaquer Gaul dans sa première bataille, pour qu’il essaie sur eux la force de son bras ! »

« Mon âme se réjouit des paroles du guerrier et des larmes jaillirent de mes yeux. « Et l’ennemi viendra à ta rencontre, ô Gaul, m’écriai-je ; du fils de Morni la gloire va s’élever ! Mais ne t’élance pas trop avant, ô mon héros ! que l’éclair de ton épée soit toujours près d’Ossian ; que nos mains s’unissent dans le carnage. Gaul, ne vois-tu pas ce rocher ? Ses flancs grisâtres brillent faiblement à la lueur des étoiles. Si l’ennemi triomphe, appuyons-nous contre ce rocher ; il craindra d’approcher de nos lances, car la mort est dans nos mains ! »

Je frappai trois fois mon bouclier sonore. Les ennemis tressaillent et se lèvent : nous fondons sur eux dans le bruit de nos armes : leurs pas volent, pressés sur la bruyère. Ils pensaient que le puissant Fingal était venu lui-même, et la force abandonna leurs bras. Le bruit de leur fuite ressemblait à celui de la flamme, lorsqu’elle s’élance à travers les forêts flétries. Ce fut alors que la lance de Gaul vola dans toute sa force ; ce fut alors que se leva son épée ! Cremor tombe et Leth avec lui. Dunthormo se débat dans son sang. L’acier traversa le flanc de Crotho au moment où il se levait sur sa lance : un noir torrent s’échappe de sa blessure et jaillit en sifflant sur le chêne à demi éteint. Cathmin voit derrière lui les pas du héros ; il monte sur un arbre desséché ; mais la lance le perce par derrière. Il pousse un cri aigu et tombe : la mousse et les branches mortes le suivent dans sa chute et couvrent les armes bleues de Gaul.

Tels furent tes exploits, fils de Morni, dans la première de tes batailles ! Mais l’épéene dormait pas à ton côté, toi, le dernier de la race de Fingal ! Ossian s’élance dans sa force et les guerriers tombent devant lui, comme l’herbe sous le bâton d’un enfant lorsqu’il siffle le long de la plaine et fait voler la barbe grise des chardons : insoucieux, il poursuit sa route et tourne ses pas vers le désert.

Le matin se lève autour de nous : les sinueux torrents brillent le long de la bruyère. Les ennemis se rassemblent sur une colline et la rage se lève dans l’âme de Lathmon. Il baisse vers le sol l’œil rouge de sa colère : il garde le silence dans sa douleur croissante. Souvent il frappe son bouclier et ses pas sont inégaux sur la bruyère. Je vis de loin la fureur du héros et je dis au fils de Morni : « Chef de Strumon, vois-tu les ennemis ? Furieux, ils se rassemblent sur cette colline. Portons nos pas vers Fingal. Il paraîtra dans sa force et l’armée de Lathmon s’évanouira. Guerrier, notre gloire nous entoure : les yeux des vieillards[1] se réjouiront. Mais retirons-nous, fils de Morni : Lathmon descend de la colline. » — « Que ce soit donc à pas lents, répondit Gaul aux blonds cheveux ; de peur que l’ennemi ne dise avec un sourire : « Voyez ces guerriers de la nuit ! Ils sont, comme les fantômes, terribles dans les ténèbres ; mais ils s’évanouissent devant le rayon de l’Orient. » Ossian, prends le bouclier de Gormar qui tomba sous ta lance. Les vieux héros se réjouiront en contemplant les hauts faits de leurs fils. »

Telles étaient nos paroles sur la plaine, quand Sulmath s’approcha de Lathmon : Sulmath chef de Dutha sur les rives du noir torrent de Duvranna. « Pourquoi ne t’élances-tu pas, fils de Nuath, avec mille de tes héros ? Pourquoi ne descends-tu pas avec ton armée, avant que ces guerriers s’enfuient ? Leurs armes bleues brillent à la lumière naissante et leurs pas sont devant nous sur la bruyère ! »

« Homme à la main débile, répondit Lathmon, descendre avec mon armée ! Ils ne sont que deux, fils de Dutha ! Mille guerriers contre eux lèveront-ils leurs glaives ? Nuath pleurerait dans son palais la perte de sa gloire. Ses yeux se détourneraient de Lathmon quand il entendrait le bruit de mes pas. Chef de Dutha, rends-toi près de ces héros : je reconnais la démarche majestueuse d’Ossian. Sa renommée est digne de mon glaive ! Dis-lui que je rappelle au combat. »

Le noble Sulmath vint à nous et je me réjouis des paroles du roi. Je posai le bouclier sur mon bras : Gaul plaça dans ma main l’épée de Morni. Nous revînmes sur les rives murmurantes du torrent. Lathmon descendit dans sa force. Son armée roulait derrière lui comme de sombres nuages ; mais le fils de Nuath brillait dans son armure !

« Fils de Fingal, me dit le héros, ta gloire a grandi sur nos défaites. Combien de mes guerriers reposent là, abattus partes mains, ô roi des hommes ! Maintenant, lève ta lance contre Lathmon ! Couche sur le sol le fils de Nuath ! Couche-le parmi ses guerriers, ou toi-même tombe ! Jamais il ne sera dit dans ma demeure que mon peuple a péri sous mes yeux ; qu’il a péri sous les yeux de Lathmon, tandis que son épée dormait à son côté ! Les yeux bleus de Cutha rouleraient dans les larmes : ses pas seraient solitaires dans les vallons de Dunlathmon ! « Et il ne sera pas dit non plus, répliquai-je, que le fils de Fingal a fui. Quand les ténèbres de la tombe environneraient ses pas, Ossian ne fuirait point. Son âme prendrait une voix pour lui dire : « Le barde de Selma redoute-t-il l’ennemi ? « Non, il ne craint point l’ennemi ! sa joie est au milieu des batailles ! »

Lathmon s’avance sur moi avec sa lance : il perce mon bouclier et je sens contre mon flanc le froid de son acier. Je tire l’épée de Morni et coupe la lance en deux. La pointe tombe étincelante sur la terre. Le fils de Nuath brûle de rage et lève son bouclier sonore. Il se penche en avant et ses yeux sombres roulent au-dessus du bouclier qui brille comme une porte d’airain. Mais la lance d’Ossian en perça les bosses brillantes et se planta dans un arbre qui se trouvait derrière lui. Le bouclier reste suspendu sur la lance vibrante. Cependant Lathmon avançait toujours ; Gaul prévit la clmte du béros : il étendit son bouclier devant mon épée au moment où elle descendait comme un trait de lumière sur le roi de Dunlathmon !

Lathmon regarde le fils de Morni et des larmes jaillissent de ses yeux. Il jette par terre la lance de ses aïeux et dit les paroles du brave : « Pourquoi Lathmon combattrait-il contre les premiers des hommes ? Vos âmes sont des rayons du ciel et vos épées les flammes de la mort ! Qui peut égaler la renommée de ces héros dont les actions sont si grandes dans leur jeunesse ? Oh ! que n’êtes-vous dans le palais de Nuath, dans la verte demeure de Lathmon ! mon père ne dirait point alors que son fils a cédé à de faibles guerriers. Mais qui vient comme un torrent impétueux sur la bruyère retentissante ? Les collines tremblent devant lui. Mille fantômes se jouent dans les éclairs de son épée : ce sont les ombres de ceux qui doivent tomber sous la main du roi de Morven. Heureux es-tu, ô Fingal ! Tes fils combattront dans tes guerres. Ils devancent tes pas et reviennent dans l’éclat de leur gloire ! »

Fingal s’avance avec douceur, se réjouissant en secret des hauts faits de son fils. La joie éclaire le visage de Morni et ses yeux brillent faiblement sous ses larmes de joie. Nous allons au palais de Selma et nous nous asseyons à la fête des coupes. Les filles de l’harmonie viennent à nous, précédées de la douce et rougissante Éverallin. Sa chevelure s’épanche sur son cou de neige et ses yeux en secret se tournent sur Ossian. Elle touche la harpe mélodieuse et nous bénissons la fille de Branno !

Fingal se lève et de sa place il parle à Lathmon, roi des Lances. L’épée de Trenmor tremble à son côté à chaque geste de son bras puissant. « Fils de Nuath, dit-il, pourquoi viens-tu chercher la gloire dans Morven ? Nous ne sommes point d’une race débile et nos épées ne brillent point sur le faible. Quand, ô Lathmon, t’avons-nous réveillé par le bruit de la guerre ? Fingal ne se plaît point dans les combats, quoique son bras soit fort ! Ma renommée grandit de la chute du superbe et l’éclair de mon épée jaillit sur l’orgueilleux. Les batailles se succèdent et les tombes des braves s’élèvent : les tombes de mon peuple s’élèvent, ô mes pères, et moi, à la fin, il me faudra rester seul ! Mais je resterai avec ma gloire, et le départ de mon âme sera un torrent de lumière ! Lathmon, retire-toi dans ton pays ! Tourne tes armes contre d’autres terres ! La race de Morven est renommée, et malheureux les pères de nos ennemis ! »


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  1. Fingal et Morni.