Ornithologie du Canada, 1ère partie/Le Titiri ou Tri-Tri


Atelier typographique de J. T. Brousseau (p. 155-156).

LE TITIRI OU TRI-TRI.[1]
(Tyrant Flycatcher — King Bird.)


Au premier rang, parmi les Moucherolles du Canada, on doit placer le Titiri, espèce des plus connues en ce pays.

Le nom de cet oiseau est tiré de son cri le plus familier ; en effet, il prononce souvent ces syllabes, surtout quand il vole, et les répète, dans la saison des amours, plusieurs fois de suite, avec une telle précipitation que l’on saisit difficilement l’intervalle qui les sépare.

Les Tyrans ou Titiris sont à cette époque d’un naturel gai et se réunissent pour se jouer dans les airs, s’agacer réciproquement, se battre quelquefois avec une sorte de fureur et disputer d’adresse et d’agilité, aux yeux de leurs compagnes qui, tranquilles spectatrices de leurs jeux, les encouragent par leurs clameurs. Le Titiri est fort matinal : il se fait entendre longtemps avant le lever du soleil ; c’est aussi le dernier endormi, car il crie encore après que la nuit est presque close. La cime des arbres, tels que les ormes, les bouleaux, est l’endroit qu’il paraît préférer ; c’est de là qu’on le voit s’élancer après l’insecte ailé, le saisir adroitement, retourner aussitôt à sa branche favorite et la quitter de nouveau, pour fondre sur le premier qui se montre dans les environs.

Il chasse ordinairement depuis le lever du soleil, jusqu’à dix heures, se repose ensuite, et recommence deux heures avant la nuit. Sa hardiesse fait qu’on l’approche aisément, et le poste à découvert, qu’une proie ailée comme lui et toujours fugitive le force d’occuper une partie du jour, l’expose aux coups meurtriers du chasseur : mais on le ménage, et on a raison, car c’est pour les habitations, où il se plaît plus qu’ailleurs, un gardien vigilant qui veille sans cesse à la sûreté de la volaille.

Les Éperviers, les Corneilles[2] craignent de se montrer où est le Titiri. Doué du courage des plus grands oiseaux de rapine, c’est surtout lorsqu’on cherche à lui enlever sa jeune famille, qu’il en donne les preuves les plus frappantes ; son audace devient fureur ; il se précipite sur le ravisseur, le poursuit avec intrépidité, et si, malgré ses efforts, il ne peut sauver ses petits, il en prend soin dans la prison où ils sont retenus.

Les Titiris couvent en juin et juillet. Ils placent leur nid à la bifurcation des branches d’un arbre élevé et le composent de petits rameaux secs et d’herbes fines. Leur ponte est de trois ou quatre œufs blancs avec des taches longitudinales brunes et rousses vers le gros bout : l’incubation dure treize ou quatorze jours et les petits éclosent couverts de duvet ; ensuite ils se revêtent d’une robe dont les teintes sont plus ternes que celles des vieux, et ils n’ont alors sur la tête aucun vestige de la couleur jaune ou orangée qui caractérise le plumage des adultes.

Le Titiri est un oiseau trapu, un peu moins gros qu’un Merle ; son manteau est gris-noir ; le ventre gris-blanc ; il a la tête noirâtre, avec une tache rouge vif entourée de jaune, et porte une espèce de huppe.

Dimensions du mâle, 8 × 14 .

Les couleurs de la femelle sont moins vives.

Ces oiseaux sont sédentaires en petit nombre dans la Floride du Sud.


  1. No. 124. — Tyrannus carolinensis.Baird.
    Muscicapa Tyrannus.Audubon.
  2. « La Corneille qui est si fanfaronne quand elle s’en prend au pauvre Hibou, qui n’y voit goutte le jour, n’a d’autre défense qu’une honteuse fuite à opposer aux attaques d’un tout petit oiseau que nos habitants appellent “Tri-tri”. Il fait son nid au haut des grands arbres et lorsque la Corneille veut s’y reposer dans ses courses journalières, de la montagne à la rivière Saint-Charles, le Tri-tri, alarmé pour la sûreté de sa ponte ou de ses petits, fond de suite sur la Corneille, se cramponne sur son dos et lui fait de douloureuses blessures avec son bec : la Corneille s’enfuit à tire d’ailes en jetant les hauts cris, poursuivie par son ennemi qui ne cesse de la persécuter, que lorsqu’il l’a conduite assez loin pour n’en avoir plus rien à craindre. » — (Ed. Glackemeyer, de Québec.)