Ornithologie du Canada, 1ère partie/Le Pleuvier doré


Atelier typographique de J. T. Brousseau (p. 345-347).

LE PLEUVIER DORÉ.[1]
(Golden Plover.)


Ce Pleuvier est commun à l’ancien et au nouveau monde : à certaines saisons, il se montre en grand nombre en Canada ; il parcourt de préférence les grèves, les battures de sable que la marée laisse à sec. Il arrive à la fin de l’été, se nourrit d’abord de vers qu’il fait sortir de leurs trous en piétinant le sol ; à mesure que la saison avance, il fréquentera les champs cultivés, les hauteurs, où il avalera avec les insectes, les fruits qu’il y trouvera.

Le moment que le chasseur choisit pour tirer dans les bandes de Pleuviers, est celui où ces oiseaux, les ailes tendues, vont se poser à terre ; car dès qu’ils se sont posés, ils se mettent à courir le long du sol et se sont bientôt dispersés.

Le père de l’Ornithologie américaine décrit une chasse aux Pleuviers à la Louisiane à laquelle des gentilshommes français le convièrent. Dès l’aurore, les chasseurs s’étant disséminés sur divers points où le gibier devait passer, une troupe de Pleuviers se montra ; les chasseurs d’imiter le cri de ces oiseaux, lesquels descendirent du haut des airs et durent alors essuyer une espèce de feu de file, sur une grande étendue de terrain : cinq ou six fuyards échappèrent seuls de toute la cohorte ; la chasse dura jusqu’au coucher du soleil, et, quand il les quitta, ces Nemrods montraient la même soif de carnage que le matin : un d’eux comptait soixante et trois douzaines de Pleuviers pour sa part. Audubon vit cinquante chasseurs dans les environs et portant à vingt douzaines la moyenne pour chaque chasseur ; il affirme que quarante-huit milles Pleuviers dorés expirèrent ce jour-là : rien moins que la véracité bien connue du grand naturaliste nous porterait à recevoir ce calcul comme correct ; mais enfin c’était pendant la migration d’automne de ces oiseaux et cette saison, on les comptait par millions : Audubon dit que, six années auparavant, les Pleuviers dorés s’étaient montrés en égale abondance.

Les Pleuviers nichent sur les terres basses et incultes de la mer arctique : le nid est un petit trou dans la mousse, ou sur un endroit sec ; la ponte se compose de quatre œufs, couleur de crème avec des taches et des points brun foncé ou pourpres, irrégulièrement disposés. Les petits sont prêts à courir dès qu’ils ont rompu leur coquille et ils cherchent à se garantir du danger en se blottissant à plat sur le sol ; la femelle a beaucoup d’attachement pour sa famille : elle a recours à toutes espèces d’artifices pour les garantir du danger : elle se traînera péniblement à terre, comme si elle était dans les transes de l’agonie, ou que ses ailes fussent rompues, le tout dans le but d’appeler sur elle les malheurs qui menacent sa couvée. Les Pleuviers dorés cherchent leur pâture plus souvent dans les champs que sur les grèves.

Le mâle a le bec noir et court ; l’iris, brun ; les pieds, bleu-gris. Le dessus de la tête, le devant du dos et les scapulaires sont élégamment variés de brun, de noir et de jaune clair ; ce jaune forme de petites taches à l’extrémité des plumes. Le derrière du dos, gris-brun, varié de jaune d’une teinte plus pâle ; la queue est brune, barrée de blanc. Les ailes sont brunes ; les couvertures inférieures, tachetées de jaunâtre-blanc ; les primaires et les secondaires des ailes, terminées de blanc. Une partie du front ainsi que les lores sont blancs ; une bande et la gorge, gris-blanc ; les côtés du cou et du corps variés de brun, d’un blanc pâle et jaunâtre. La poitrine et une large bande sur la poitrine d’un brun noir ; cette bande est frangée de chaque côté de blanc ; la queue est courte, arrondie et composée de douze plumes.

Longueur totale du mâle, 10  ; envergure, 22 .

« Les Pleuviers dorés voyagent en trombes tourbillonnantes resserrées, innombrables, plus larges que profondes qui s’annoncent de loin par d’aigus sifflements, rasent le sol comme les hirondelles, se redressent tout à coup dans les airs avec la prestesse d’un ressort, disparaissent et reparaissent aux regards avec l’instantanéité de l’éclair. J’ai vu des chasseurs en tuer vingt et vingt-cinq d’un seul coup de fusil. J’ai vu des tendeurs en Champagne prendre cent Pleuviers d’un seul coup de filet. On peut calculer par ces deux chiffres ce qu’il doit manquer d’émigrants au retour de leurs expéditions. Comme les cadavres des croisés marquaient le chemin du saint-sépulcre aux époques de foi, ainsi le fumet des Pleuviers dorés qui rôtissent, pourrait dire chaque automne la route qu’ils ont suivie. » — Toussenel.


  1. No. 503. — Charadrius virginianus. — Baird.
    Charadrius marmoratus.Audubon.