Ornithologie du Canada, 1ère partie/Le Pic à tête rouge ou tricolore


Atelier typographique de J. T. Brousseau (p. 117-119).

LE PIC À TÊTE ROUGE OU TRICOLORE.[1]
(Red-headed Woodpecker.)


Cette espèce qui est une des plus répandues aux États-Unis et en Canada, quitte l’automne les contrées septentrionales. Ce pic se nourrit d’insectes et de fruits ; et il a bien soin de ne choisir sur un arbre que les fruits les plus mûrs. Il se gorgera de cerises, de pommes, de jeune maïs.

C’est en vain que Wilson s’efforce de l’exonérer de blâme ; sa tête fut mise à prix aux États-Unis pendant un certain temps. Il est fort nombreux à l’ouest de la province : il fréquente les champs, les clairières où il ne reste de la forêt primitive que des grands troncs calcinés par le feu ; c’est là que le Pic tricolore, sans craindre la présence de l’homme, aime à voltiger et à y placer le berceau de ses petits. La ponte est de six œufs blancs.

« On ne distingue pas facilement le mâle de la femelle, tant leur plumage est ressemblant : celui du mâle paraît néanmoins avoir plus d’éclat ; le rouge, le noir et le blanc sont les seules couleurs qui y dominent ; la première enveloppe la tête et le cou, et descend sur la gorge dont quelques plumes sont bordées de noir vers sa partie postérieure ; la seconde règne sur le dos, les couvertures, les pennes primaires des ailes et celles de la queue (des individus ont du blanc à l’extérieur, à l’extrémité et à l’origine des latérales) ; la troisième couvre le croupion, les moyennes pennes alaires, la poitrine et tout le dessous du corps ; le bec et les pieds sont noirs, l’iris est couleur de feu. Longueur totale du mâle, 9, envergure, 17 pouces.

« Autant le mâle et la femelle ont d’analogie dans leurs couleurs, autant le jeune diffère de l’un et de l’autre. Le jeune a le dessus de la tête, du cou, et le haut du dos variés de noirâtre et de gris-blanc sur un fond gris rembruni ; le bas du dos, le croupion blancs, la gorge, la poitrine blanchâtres ; les flancs faiblement tachetés de noir ; les pennes secondaires des ailes blanches, avec quelques taches noires transversales dans le milieu et à leur extrémité ; les primaires de cette dernière couleur et bordées de blanc en dehors, de même que les latérales de la queue qui dans le reste est pareille aux grandes pennes alaires. » Quand ils sont posés sur une clôture, dit Audubon, et que vous vous approchez d’eux, ils s’éloignent en marchant de côté et se réfugient de l’autre côté du poteau de la clôture, allongeant le cou comme pour vous épier et pour s’assurer de vos intentions, et quand vous ne serez qu’à deux pas d’eux, ils resteront tapis et cois, jusqu’à ce que vous soyez passé, et alors ils grimperont sur le dessus de la clôture et la frapperont violemment à coups de bec comme pour se féliciter du succès de leur ruse. Si vous allez trop près, les Pics sauteront sur la pagé voisine, allongeront le cou et frapperont encore, comme pour vous encourager à continuer avec eux la partie, ou bien ils s’envoleront d’un bond sur le toit de votre maison, feront résonner de leur bec les bardeaux de la couverture et s’abattront tout à coup dans le jardin, parmi les fraises dont ils cueilleront les plus mûres. Leur faim apaisée, ils se réuniront en une petite bande, s’abattront sur la cime d’un arbre mort ou voltigeront dans l’air, se livrant à mille gambades fantastiques : pendant ces évolutions aériennes, leurs brillantes couleurs se reflètent avec beaucoup d’avantage. Ils quittent le Canada pour le sud en octobre, et reviennent en mai. On dit que leur émigration s’opère pendant la nuit, et que le jour ils cherchent le repos et l’aliment pour reprendre leur vol au coucher du soleil.



  1. No. 94. — Melanerpes erythrocephalus. — Baird.
    Picus erythrocephalus. — Audubon.