Ornithologie du Canada, 1ère partie/Le Lagopède des Saules — La Perdrix blanche


Atelier typographique de J. T. Brousseau (p. 314-316).

LE LAGOPÈDE DES SAULES. — LA PERDRIX BLANCHE.[1]
(Willow Ptarmigan.)


« Le Lagopède, dont le nom veut dire pied de lièvre, est un bel oiseau plus blanc que la neige, un habitant des zones glaciales et compatriote du Chamois, qui ressemble à ces gros Pigeons blancs pattus domestiques. La nature en donnant des gants fourrés et une robe blanche au Lagopède, lui a assigné pour patrie les dernières régions de la zone habitable, et lui a fait des attractions proportionnelles à sa destinée. Beaucoup d’oiseaux redoutent la froidure ; le Lagopède semble au contraire la chérir par dessus toutes choses et ne craindre que les rayons du soleil ; il ne comprend pas le bonheur dans un autre milieu que la neige, et meurt immédiatement de nostalgie quand on l’arrache à ses déserts de glace, pour lui faire un sort plus tranquille dans un séjour plus doux.

« Le Lagopède a d’ailleurs ses motifs pour adorer la neige et pour plaindre les habitants des zones que nous appelons fortunées. C’est le blanc manteau des hauts pics dont la couleur se confond avec celle de sa robe qui le dérobe à l’œil de tous ses ennemis. C’est la neige qui lui conserve tendres et succulentes les graines, dont il vit pendant l’hiver, et qui lui fournit en cette rude saison le vivre et le couvert ; car le Lagopède a le pied muni d’un ongle tranchant et canaliculé (celui du doigt médian) à l’aide duquel il sait se creuser de chaudes retraites au sein même de cette couche de frimas éternels, dite en style poétique le linceul funéraire des champs. Et puis, c’est là qu’il aime, c’est là par conséquent que la nature a dû déployer toutes ses splendeurs et ses magnificences.

« Le costume de noces du Lagopède est moins riche que sa tenue d’hiver, lequel consiste en un uniforme blanc pur, qu’accentuent si gracieusement les filets noirs des rémiges et la rouge encadrure de l’œil ; c’est un manteau panaché de gris, de brun, de roussâtre, qui va recouvrir les épaules, la tête, le cou et le devant de la poitrine. La couleur de ce manteau est analogue à celle des bécasses ; la nature y a négligé le dessin et l’opposition des nuances, et de cette négligence est résultée une confusion fâcheuse qui ne charme plus le regard. »

Le Lagopède perche sur les grands saules. Rien moins qu’un froid arctique et continu ne saurait amener en nos latitudes, la Perdrix blanche. L’hiver de 1844 fut fort rigoureux ainsi que celui de 1858 : pendant ces deux saisons, les Perdrix blanches se répandirent en grands nombres dans les forêts du Canada et on en tira quelques-unes près des limites de la cité de Québec.[2] Au printemps, le mâle a beaucoup des allures pompeuses et passionnées des deux espèces précédentes pour gagner la faveur des femelles. À l’instar des autres oiseaux qui passent l’été dans le cercle polaire, le Lagopède des Saules, pendant la douce clarté des longues nuits arctiques, montre plus d’activité que pendant la lumière éclatante du jour. Les œufs sont jaunes avec des taches châtaignes ou brunes ; le Lagopède niche au Labrador et dans les pays du nord, on dit même qu’il couve dans l’île de Terreneuve.

Longueur totale du mâle, 17, envergure, 26 .


  1. No. 467. — Lagopus albus. — Baird.
    Lagopus albus.Audubon.
    En 1648, il y eut une quantité prodigieuse de Perdrix blanches ; on en tua 1200 dans un mois à Beauport. — (Journal des Jésuites.)
    Voici ce que dit Charlevoix :
    « Il y a trois sortes de Perdrix ; les unes sont blanches et elles ne se trouvent que l’hyver ; elles ont de la plume jusque sur les argots, elles sont fort belles et plus grosses que celles de France ; la chair n’en est pas si bonne à manger ; mais c’est un bel Oyseau, et elles ne sont pas bien communes.
    « Il y a aussi des Perdrix grises, qui sont grosses comme des Poules ; celles-là sont fort communes et bien aisées à tuer ; car elles ne s’enfuyent quasi pas du monde ; la chair est extrêmement blanche et sèche. »
    (Voyage en Amérique.)
  2. Cette famille, d’après Baird, compte vingt individus.