Ornithologie du Canada, 1ère partie/La Perdrix d’épinette ou de savane


Atelier typographique de J. T. Brousseau (p. 311-313).

LA PERDRIX D’ÉPINETTE OU DE SAVANE.[1]
(Spruce Partridge — Canada Grouse.)


Cet oiseau qui est le coq de Bruyère du Canada est bien moins commun en cette Province que l’autre espèce ; quoiqu’au dire du Docteur Richardson, il abonde dans toutes ces épaisses savanes d’épinette noire depuis le Canada à la mer arctique. On a trouvé ces perdrix pendant les hivers les plus rigoureux jusqu’au 67e degré : Townsend, les a vues dans les Montagnes Rocheuses. La Perdrix de savane couve en Canada en juin ; les individus diffèrent beaucoup quant au plumage, dans les différentes latitudes ; leur plumage est plus éclatant dans l’État du Maine qu’au Labrador : cette différence existe aussi chez la Perdrix ordinaire, au point que les individus de l’État du Kentucky et autres localités du Sud-Ouest, paraissent une tout autre espèce que ceux des États du Nord et de l’Est. La Perdrix de savane est un excellent baromètre, pour indiquer les variations de température, la pluie et l’orage ; le jour qui précède les changements, ces oiseaux se hâtent de gagner leurs perchoirs plusieurs heures avant l’ordinaire. « J’ai remarqué dit Audubon, que lorsque la même bande continue à rechercher sa nourriture longtemps après le coucher du soleil, mes espérances d’un beau lendemain n’étaient jamais déçues ; mais je pense que cette prescience est commune à toute la famille des gallinacés. »

Les mâles, au printemps, cherchent à capter l’attention des femelles, par les mêmes allures, la pompe et l’appel (drumming) de la perdrix ordinaire : ce bruit d’ailes est même plus sonore, chez cette espèce que chez l’autre. La femelle niche sous les branches horizontales et basses des épinettes : ce nid composé de branches sèches, de mousse de feuilles sèches, est caché avec soin ; la ponte varie de huit à quatorze œufs, fauve foncé, tachetés irrégulièrement de barres brunes. Ils n’élèvent qu’une seule famille et les jeunes sont en état de suivre les vieux dès qu’ils sont nés. Dès que l’incubation a commencé, les mâles se séparent des femelles et ne les rejoignent qu’à la fin de l’automne : ils n’habitent même pas les mêmes bois pendant ce temps, et sont plus méfiants et plus farouches que pendant la saison des amours ou pendant l’hiver. Ces oiseaux ont la même dégaine que l’autre espèce ; mais ils ne hochent pas la queue et ne se cachent pas dans la neige comme la précédente : au contraire, quand ils sont poursuivis, ils gagnent les arbres. Il faut plus que l’aboiement d’un chien de chasse pour les faire déguerpir et une fois lancés, ils font entendre leur cri cluck, qu’ils répètent en se posant sur l’arbre voisin. En hiver, on les prend facilement, ils ne sont pas méfiants. Ils sont peu communs au Labrador où les Lagopèdes ou Perdrix blanches les remplacent.

« Un jour dit Audubon, quand j’étais au Labrador, je faillis mettre le pied sur une Perdrix de savane entourée de sa nombreuse famille : c’était le 18 juillet. Cette mère éplorée, hérissa immédiatement ses plumes à l’instar de la poule domestique et se rua à notre rencontre comme pour défendre sa progéniture ; son courage commanda notre respect : nous la laissâmes en paix. Dès que nous lui tournâmes le dos, elle se mit à lisser son plumage et à encourager de sa voix ses perdreaux, lesquels bien qu’âgés de sept jours seulement prirent leur vol avec une aisance et une joie indicibles. Je fus charmé de leur avoir permis de s’envoler.

« Cette Perdrix se gorge l’été et l’automne de diverses baies, de bourgeons, etc. On a prétendu que cet oiseau était si peu méfiant, que sa couvée entière pouvait être capturée par la personne qui commencerait à tirer celle qui serait le plus près du sol, ensuite sa voisine ; mais je n’ai jamais été assez heureux pour réaliser ce fait moi-même. »

La chair de cette Perdrix n’est mangeable que lorsqu’elle s’est nourrie de fruits ; pendant l’hiver lorsqu’elle ne subsiste que de feuilles d’arbres ou de bourgeons, elle acquiert une amertume fort désagréable.

Le mâle porte un costume varié de brun-noir et de gris clair ; les ailes sont nuancées d’un jaune gris ou foncé ; les rémiges, brunes ; la frange extérieure des primaires, tachetée de jaune ; la queue, noirâtre-brun, terminée de rougeâtre-jaune ; les parties inférieures, noires ; les plumes près de la gorge ont une tache blanche près de leur extrémité ; une bande composée de taches blanches derrière l’œil ; les couvertures caudales inférieures, abondamment marquées de blanc.

Longueur totale, 15 , envergure, 21 .

La Perdrix de savane est distribuée, et couve de l’État de New-York jusqu’au Labrador, et de là jusqu’à la Mer Polaire. Elle émigre partiellement en hiver.


  1. No. 460. — Tetrao canadensis. — Baird.
    Tetrao canadensis.Audubon.