Origine et progrès de la puissance des Sikhs/Chapitre III

CHAPITRE III.


Discordes et divisions des Sikhs. — Élévation et chute de divers chefs. — Histoire de Tcharat Singh et Maha Singh, ancêtres de Randjit Singh. — Randjit Singh prend la direction des affaires.


1773-1791.


En résumant la suite des événemens dans le Penjab, l’historien n’a plus désormais à raconter que les discordes et les divisions qui s’élevèrent entre les nouveaux conquérans ; et comme ces querelles n’offrent ordinairement que fort peu d’intérêt et de variété, il faudra faire choix parmi ces événemens de ceux qui sont nécessaires à l’histoire, qui ont produit les circonstances actuelles, ou, en d’autres termes, faire mention surtout de ceux dans lesquels les ancêtres de Randjit Singh, ou lui-même, ont joué un rôle.

Le radja de Djammou, nommé Randjit Dio, était en mésintelligence avec son fils aîné Bridj Radj, et désirait le dépouiller de ses droits à la succession en faveur de son plus jeune fils, Mian Dalel Singh. Pour assurer ses droits, Bridj Radj se révolta et invoqua le secours de Tcharat Singh, lui offrant un tribut annuel considérable, à condition qu’il l’aiderait à déposséder son père. Tcharat Singh, animé par une vieille haine contre Randjit Dio, accepta l’offre qui lui était faite, et, se fortifiant lui-même de l’alliance de Djeï Singh du Ghani-misal, s’avança avec ses troupes et celles de son allié dans les montagnes, où il campa à Oudachar sur la rive du Basanti. Le radja, informé des desseins de son fils, avait fait ses préparatifs de résistance. Il se réserva à lui-même la défense de la capitale et rassembla ses forces contre l’invasion. Elles se composaient des auxiliaires de Tchamba, Nourpour, Baschar et Kangra dans les montagnes, auxquels il avait réuni, outre ses propres troupes, les forces confédérées du Bhangi-misal sous les ordres de Djhanda Singh, qu’il détermina à lui prêter son secours. Les deux armées étaient campées sur les deux rives opposées du Basanti, lorsque, dans une escarmouche entre les Sikhs auxiliaires, Tcharat Singh fut tué : son fusil éclata entre ses mains[1]

Il avait quarante-cinq ans, et s’était élevé de la condition de simple dharvi, ou homme de grand chemin, au rang de serdar d’un misal indépendant, avec un territoire dont le revenu est estimé à trois lakhs de roupies. Il laissa une veuve avec deux fils, Maha Singh et Sahadj Singh, et une fille, Radj Kounwar. L’aîné de ses fils, Maha Singh, alors âgé d’environ dix ans, succéda à son serdari ; mais sa veuve et Djeï Singh Ghani prirent aussitôt la direction des affaires. C’est par leur ordre que fut assassiné Djhanda Singh Bhangi, qui était le principal appui du parti du radja de Djammou et l’ennemi déclaré des misals de Soukar Tchaki et de Ghani. Un assassin fut tenté par une forte somme, et il réussit en blessant mortellement le chef Bhangi à l’instant ou il se rendait sans escorte au camp de Djammou. Les Sikhs de Soukar Tchaki et de Ghani, satisfaits de cette exécution, abandonnèrent peu de temps après l’entreprise ou ils s’étaient engagés. Les troupes bhangis levèrent aussi leur camp après la mort de leur chef. Bridj Radj Dio fut ainsi laissé seul pour débattre ses droits avec son père ; cependant avant le départ de Maha Singh il accomplit avec lui la cérémonie de l’échange des turbans (dastarbadli) et lui jura une amitié fraternelle pour la vie. Ces choses se passaient en 1774[2].

Quelques serdars inférieurs du misal récemment formé de Tcharat Singh, méprisant la jeunesse de Maha Singh, ou mécontens de la régente, essayèrent de se rendre indépendans. L’un d’eux, Dharam Singh, fut le premier qui osa commettre un acte de rébellion ouverte. Il réclama le secours et l’assistance de Ghanda Singh, successeur de Djhanda Singh au serdari du Bhangi-misal, mais il fut déçu dans ses espérances et dépouillé de ses terres par contumace pour crime de forfaiture avant que personne fût venu à son aide[3]. Les autres serdars furent effrayés par cet exemple. Les circonstances paraissaient favorables pour le mariage de Maha Singh qui fut en effet célébré en 1776. Il s’unit à la fille de Gadjpat Singh, de Djind, à qui il était déja fiancé. Djeï Singh, accompagné d’une nombreuse escorte des Sikhs de Soukartchaki et Ghani, passa le Satledj avec le barât à Badroukkh, où le jeune chef rencontra sa fiancée. Un grand nombre des serdars de la nation se rendirent à cette cérémonie pour lui faire honneur ; en effet on ne peut se dispenser de prêter son concours dans de telles occasions, l’abscence est regardée comme un grave oubli, une haute inconvenance.

Maha Singh prit part ensuite comme associé de Djei Singh à une entreprise dirigée contre Rasoul Nagar, appelé aujourd’hui Ram Nagar par les Sikhs, situé sur la rive orientale du Tchenab, et occupé alors par Dar Mohammed, jât musulman, qui était le chef de l’ancienne tribu de Tchatta, nommée aussi quelquefois Mantcharia d’une ville considérable située dansson territoire dont quelques habitans avaient embrassé l’islamisme. Le motif de l’attaque était que la tribu avait dérobé au Bhangi-misal une grosse pièce d’artillerie abandonnée dans sa retraite par le shah Abdali, et laissée en dépôt à la tribu Tchatta parce qu’il était impossible de lui faire passer le Tchenab[4]. Ce canon fameux est connu aujourd’hui sous le nom de Bhangi Top : on le réclamait pour le khalsa ou la nation sikhe, et c’était une assemblée de chefs qui devait lui donner une destination. Rasoul Nagar fut assiégé et bloqué pendant quatre mois, sans que les Sikhs Bhangis, occupés pendant ce temps à piller, à s’assurer des terres ou à lever des tributs dans les districts de Moultan et de Bahawalpour, songeassent à secourir leurs alliés. La place tomba donc entre les mains de Maha Singh, qui s’acquit par ce premier fait d’armes une si grande réputation, que plusieurs serdars indépendans ou attachés au Bhangi-misal, lui offrirent leurs services, aimant mieux le suivre à la guerre et vivre sous sa protection et son commandement que sous celui de tout autre chef.

Deux ans après cet événement, le 2 novembre 1780, un fils naquit à Maba Singh ; ce fils tenait par sa mère à la famille Djind, on le nomma Randjit Singh. Il fut attaqué presque à sa naissance de la petite vérole. La maladie prenant une tournure défavorable, la vie du nouveau né se trouva en danger ; selon la coutume asiatique, le père fit d’abondantes aumônes aux pauvres, invita une multitude de Brahmanes et de saints personnages à prier pour lui, et envoya des présens aux temples de Kangra et de Djawala Moukhi. L’enfant recouvra la santé, mais en perdant un œil, circonstance d’où lui vient le surnom de Kana, c’est-à-dire borgne, et son visage conserva les traces indélébiles de la maladie. À cette époque, Maha Singh essaya de régulariser le gouvernement du pays qu’il tenait de son héritage ou de la victoire, chercha à étendre son influence et ses relations. Les Bhangis ayant perdu leurs principaux serdars, avaient tenté de s’établir dans le Moultan, d’où ils avaient été repoussés par une armée d’Afghans qui reprit sur eux la ville de Moultan, et même les chassa plus tard de Bahawalpour et de Mankera. Il résulta de là que le Bhangi-misal n’eut plus réellement d’existence indépendante, tandis que la fortune et la renommée croissante de Maha Singh lui permettaient d’étendre son influence et de s’enrichir des dépouilles des Bhangis. Il dut cependant agir avec prudence avant de s’engager dans une guerre ouverte avec ses frères sikhs, car il savait que la poursuite de tels moyens d’agrandissement susciterait beaucoup de mauvais vouloir contre lui, et provoquerait probablement une ligue redoutable contre sa puissance. D’un autre côté, l’empire des Afghans était encore trop formidable et trop bien uni pour qu’il pût espérer de s’agrandir aux dépens de cette nation. Mais son esprit ambitieux n’hésita pas longtemps à trouver le ntoyen de poursuivre avec succès l’exécution de ses plans.

Radja Randjit Dio de Djammou était mort, et son fils Bridj Radj Dio lui avait succédé. Ce prince insouciant et débauché excita de tels mécontentemens dans sa principauté qu’il fournit à Maha Singh un motif d’intervention dans ses affaires. En effet, celui-ci, tenté par les circonstances, demanda un tribut et voulut forcer son coréligionnaire à devenir son vassal. Il s’avança dans les montagnes avec une armée, er Bridj Radj dépourvu de tout moyen de résistance, s’enfuit dans la montagne de Trikota Dévi, montagne à trois pics où se trouvait un asthan ou temple de Bishan Dévi à qui les dévots hindous font des offrandes de cacao, qu’ils espèrent devoir être plus agréable à cette bienveillante divinité que des têtes de boucs. La ville de Djammou était à cette époque très prospère et très riche ; car, par suite des divisions du Penjab, beaucoup de riches marchands étant venus y chercher un asile, y établirent des relations avec les montagnes où ils n’avaient pu pénétrer jusque-là[5]. Djammou était bien situé pour ce dessein, car sous Randjit Dio, cette classe de personnes fut bien accueillie et put vivre en toute aisance et sécurité. Maha Singh et les siens pillèrent la ville, ravagèrent tout le territoire de Djammou et ne revinrent qu’après avoir fait, dit-on, un immense butin, tant en espèces qu’en objets précieux de toute sorte[6].

Cette conduite de Maha Singh, quoiqu’elle l’enrichît, lui fit beaucoup d’ennemis. Les Sikhs Bhangis, qui avaient toujours entretenu des rapports très étroits avec Djammou, furent vivement irrités, mais ce qui était encore plus préjudiciable peut-être pour la naissante fortune de Maha Singh, ce fut le déplaisir de son vieux mentor et gardien Djeï Singh que ses succès lui attirèrent. Ce chef était alors à l’apogée de sa puissance et doué d’un caractère impérieux. Maha Singh à son retour des montagnes se rendait avec son butin à Amritsar pour y offrir ses respects à Djeï Singh et faire ses ablutions dans le réservoir sacré. Le vieux chef le reçut avec une froideur et un déplaisir marqué, à tel point que quand Maha Singh, prenant l’attitude d’un inférieur, s’approcha avec un pot de confitures à la main, et le pria de lui dire quelle pouvait être la cause de son mécontentement, protestant, quant à lui, de ses sentimens de reconnaissance filiale pour Djeï Singh, et offrant toutes les satisfactions qu’il était en son pouvoir de donner, Djeï Singh alors étendu sur son lit, et posant ses pieds sur Maha Singh, lui dit qu’il en avait assez de la sentimentale conversation de la Bhagti (danse d’enfans)[7]. Maha Singh se retira indigné d’une telle réception et résolut d’avoir raison de cette insulte. Il monta à cheval, et avec quelques cavaliers s’échappa d’Amritsar où le pouvoir et l’influence de Djeï Singh étaient souverains et retourna dans ses états pour y chercher les moyens d’exécuter ses desseins. Trop faible pour entrer seul en campagne contre les misals des Ghanis et des Bhangis, il chercha des alliés et sut se faire un ami de Djasa Singh, serdar du Ramgharia-misal, chassé depuis peu de ses possessions du Penjab par une ligue des Alouwalas et des Ghanis ; ces derniers surtout s’étaient enrichis à ses dépens. Des agens furent aussitôt dépêchés à Djasa Singh pour le rappeler, pour lui donner l’assurance de secours s’il était disposé à faire quelques efforts pour recouvrer ses possessions perdues. Le chef déchu vivait alors de brigandage dans le Douab de la Jumna et du Gange, et les villes de Hansi et de Hisar lui servaient de places de sûreté. Satisfait des offres de Maha Singh et convaincu de leur sincérité, il ne tarda pas à rentrer dans le Penjab avec toutes les forces qu’il put réunir.

Les troupes combinées de Maha Singh et de Djasa Singh apparurent tout à coup à quelques milles de Battala, la capitale de Djeï Singh où il avait fixé sa résidence. Là vinrent se réunir aux agresseurs Sansar Tchand, radja de Kôt Kangra dans les montagnes, Amar Singh Bagreh et quelques autres tributaires du serdar Ghani, mécontens de lui et gagnés par les intrigues de Maha Singh. Djeï Singh fut sommé de rendre la part qui lui était échue du Ramgharia-misal, et, sur son refus, les envahisseurs s’apprêlèrent à occuper et ravager le pays. Djeï Singh réunit les troupes de son misal et mettant son fils Gour Bakhsh Singh à la tête de 8,000 chevaux, il lui donna mission de punir et d’expulser l’ennemi. Une bataille s’engagea dans laquelle Gour Bakhsh s’exposa avec une folle témérité et perdit la vie. Ses soldats dispersés s’enfuirent et bientôt après, les vainqueurs, maîtres de Battala forcèrent Djeï Singh humilié à traiter de la paix. Elle lui fut garantie par le jeune chef qu’il avait insulté sous condition de rendre à Djasa Singh les terres dont on l’avait dépouillé et à Sansar Tchand le fort de Kangra qu’on lui avait pris par stratagème. Ces conditions acceptées, les alliés continuèrent d’occuper la ville de Battala ; mais avant la fin de l’année, Sada Kounwar, veuve de Gour Bakhsh Singh réussit par un complot tramé avec les habitans à expulser la garnison victorieuse et à reconquérir la ville.

Djeï Singh avait placé toutes ses espérances sur la tête de Gour Bakhsh, et quoiqu’il eût deux autres fils, Bagh Singh et Nidhan Singh, il les traitait avec négligence, car toutes ses affections se reportaient sur la famille de son fils mort. Sa veuve Sada Kounwar avait pris une grande influence et l’ascendant le plus entier sur le vieillard, et comme elle était d’un esprit ambitieux et hardi, elle obtint qu’un apanage séparé de quelques villages entre Sohnan et Hadjipour serait réservé aux fils survivans, tandis qu’elle-même préparait tout à Battala dans ses intérêts et ceux des enfans qu’elle avait de Gour Bakhsh, un fils et une fille. À sa suggestion une négociation fut ouverte pour les fiançailles de cette fille Mehtab Kounwar, avec Randjit Singh le jeune fils de Maha Singh. Elle espérait arriver ainsi à une réconciliation durable, et par le moyen de cet allié tout puissant s’assurer à elle-même le gouvernement du serdari à la mort de son beau-père. Le consentement de Maha Singh ne se fit pas attendre et la Mangni, ou cérémonie des fiançailles, fut accomplie dans l’année 1785. Par là le pouvoir et la renommée de Maha Singh s’accrurent encore, car l’amitié du serdar de Ramgharia et celle du radja de Kangra à qui son secours avait assuré le recouvrement de leurs possessions perdues, ajoutée à l’influence qui résultait de ses étroites relations avec le Ghani-misal, le mettaient dans une telle position qu’il n’y avait personne dans le Penjab ou dans la nation sikhe qui püt rivaliser d’autorité avec lui ou réunir des forces égales aux siennes. Le résultat fut favorable à la prospérité du pays, et le Penjab, pendant quelques années, jouit sous l’influence de ce chef d’un repos et d’une tranquillité qui lui étaient depuis long-temps inconnus.

Jusqu’en 1791 Maha Singh continua d’administrer en paix le territoire qu’il avait acquis et exerçant son pouvoir au bénéfice de ses alliés. En cette année mourut Goudjar Singh, chef sikh du Goudjrat, et Saheb Singh son fils succéda à son serdari. La sœur de Maha Singh avait été donnée en mariage à Saheb Singh par Tcharat Singh, mais les liens de la parenté ne purent rien contre l’ambition et le désir d’agrandissement qui travaillaient l’esprit de Maha Singh. Il jugea le moment convenable pour faire reconnaître son autorité dans le Goudjrat en réclamant un tribut. Saheb Singh refusa d’obéir, alléguant que son père était un des chefs du Bhangi-misal et n’avait jamais servi sous le drapeau du Soukar Tchaki-misal dont il ne pouvait reconnaître la suzeraineté. En recevant cette réponse Maha Singh fit avancer son armée et assiégea Saheb Singh dans le fort de Soudharp. Dans sa détresse, Saheb appela à son secours les Bhangis, et Karam Singh Doulou vint avec ses troupes pour faire lever le siège. Trop faibles pour se mesurer en rase campagne avec Maha Singh, les Bhangis s’établirent aux environs de son camp et l’inquiétèrent beaucoup pour la sûreté de ses convois ; mais un détachement des Soukar Tchakis prit et pilla le camp des Bhangis, ce qui permit à Maha Singh de pousser le siège avec vigueur. Il était depuis trois mois devant la place lorsqu’au commencement de 1792 il tomba sérieusement malade. Le siège fut aussitôt levé et le chef, transporté à Goudjraoli sa principale résidence, y expira dans la vingt-septième année de son âge. Il était brave, actif, prudent plus que ne le sont les hommes aussi jeunes que lui et il a laissé parmi les siens la réputation d’un serdar accompli. Il échappa à la tutelle de sa mère à l’âge de 17 ans, et quelque temps après ayant découvert ses intrigues avec un brahmane, il la tua lui-même de sa main ; acte de justice barbare qui ne paraît pas avoir entaché sa réputation ou nui à sa gloire aux yeux de ses contemporains.

Maha Singh ne laissa qu’un fils, Randjit Singh le roi actuel, alors âgé de 12 ans, sa mère fut régente et assistée du ministre de son époux, Lakhou ou Lakpat Singh. Sada Kounwar, la belle-mère du chef mineur, exerçait aussi une grande influence sur les affaires, et l’année suivante, c’est-à-dire en 1793, la mort de Djeï Singh laissa le Ghani-misal sous sa direction, tout ayant été préparé de longue main pour l’exclusion des fils de ce serdar.

On prit peu de soin de l’éducation de Randjit Singh : on lui laissa satisfaire toutes les passions et tous les désirs de sa jeunesse, ses premières années s’écoulèrent dans les plaisirs et dans les divertissemens de la campagne. Il n’a pas encore appris à lire ou à écrire dans aucune langue que ce soit. Il était encore en tutèle lorsqu’un second mariage l’unit à Radj Kounwar, fille du chef Naki Khadjan Singh.

Ce fut à 17 ans, comme son père, que Randjit Singh prit en personne la direction des affaires et congédia son ministre. Plus tard, par les conseils de Dal Singh, oncle maternel de son père, qui nourrissait depuis long-temps des sentimens haineux contre le ministre, Randjit Singh chargea Lakhou d’une expédition contre la ville de Kitar ; l’ancien ministre y fut tué dans une querelle avec les zemindars et l’on soupçonne que cette mort fut le résultat d’un complot. L’exemple de son père sanctionna un autre acte de cruauté commis par Randjit Singh. La régente avait été accusée de mauvaise conduite, on disait même que le dernier ministre n’était pas le seul complice de ses débauches ; on dit qu’en recevant la preuve évidente de ces faits, Randjit Singh ordonna, ou au moins permit qu’on la mît à mort ; et le vieux chef Dal Singh passa pour avoir fait exécuter la sentence par le poison[8]. Randjit Singh, d’après l’avis de Sada Kounwar, ne confia à personne les affaires de son serdari ; les difficultés qu’il rencontra, et les moyens qu’il employa pour les surmonter, et tirer parti de chaque circonstance dans l’intérêt de sa fortune, forment le sujet des chapitres suivans[9].

  1. Khoushwakt Raï donne les mêmes détails sur la mort de Tcharat Singh, qu’il dit être arrivée à Oudoutchak, sur le Basantar, dans une escarmouche entre les deux armées campées depuis six mois sur les rives du fleuve. Le même auteur confirme l’assassinat de Djhanda Singh, mais il dit qu’il était à cheval avec deux ou trois soldats. La date qu’il assigne à ces événemens est la même que celle donnée par le capitaine Murray. (Note de l’auteur.)
  2. Le capitaine Wade donne la date de 1771 comme celle de la mort de Tcharat Singh, et il dit qu’elle eut lieu dans une bataille générale contre les Sikhs Bhangis, à Sahawara, près Djasar Dodeh, dans le Douab de la Ritehhua. Il s’accorde à reconnaître que la mort de Tcharat Singh fut causée par l’explosion de son fusil, mais il rapporte que Djhanda Singh fut tué dans un combat par un homme de son parti. Ces différences, excepté celle de la date, sont de peu d’importance ; mais il est singulier qu’un événement comme celui-là ait été rapporté d’une manière si diverse à ces deux officiers. L’autorité du capitaine Murray paraît préférable, et sa version a été suivie. Le capitaine Wade diffère encore du capitaine Murray sur la date de la naisance de Maha Singh. Le capitaine Wade la place en 1757, ce qui donne à Maha Singh quatorze ans en 1791, lorsque Tcharat Singh mourut, suivant la version du capitaine Wade. Le capitaine Murray fixe la naissance de Maha Sing en 1764, ce qui lui donne dix ans en 1774. (Note de l’auteur.)
  3. Khoushwakt Raï dit que Ghanda Singh, le chef du Bhangi-misal, ayant été invité par Dharam Sing à l’aider contre Maha Singh, répondit : « Pourquoi dépouiller ce jeune homme et donner ses biens à un esclave ? » (Note de l’auteur.)
  4. Khoushwakt Raï dit que le Bhangi Top fut pris par Tcharat Sing à Lehna Singh, mais que l’affût ayant été brisé pendant qu’on le conduisait à Gadjraoli, on le laissa en dépôt chez les zemindars de Rasoul Nagar (ville du prophète), jusqu’au moment où on viendrait le reprendre. La restitution de ce canon aux Bhangis était donc une violation de la parole donnée. (Note de l’auteur.)
  5. Khoushwakt Raï donne les noms de plusieurs familles réfugiées à Djammou pendant les troubles du Penjab ; entre autres Malika Zemani, reine de Delhi, et une des veuves de Mir Manou. Hari Singh, le fils de Kaonra Mal avec d’autresmembres de sa famille, y vivait aussi. Dilpat Raï, fils de Lakhpat Raï, s’y était aussi établi avec les débris de plusieurs autres familles nobles de Delhi et de la cour du vice-roi. Randjit Dio traitait tous ces réfugiés avec beaucoup de distinction, et il recommanda particulièrement à son fils de leur continuer la même bienveillance. Bridj Radj cependant ne fut pas plutôt élevé au pouvoir qu’il les soumit à de dures exactions. On dit qu’il obtint ainsi de Hari Singh 50 lakhs de roupies. (Note de l’auteur.)
  6. Khoushwakt Raï évalue le butin fait à Djammou à deux crores de roupies, mais ce chiffre paraît exagéré. Il dit aussi que Bridj Radj fut tué dans un combat contre un détachement Bhangi. Son fils Tcheït Singh lui avait succédé lorsque Maha Singh prit la ville et la saccagea.
  7. Suivant Khoushwakt Raï, Djei Sing donna ordre de tirer sur Maha Singh. Son fils Gour Bakhsh intercéda en vain pour faire retirer cet ordre. Il dit aussi que Maha Singh se retira aussitôt et fut poursuivi à coups de fusil jusqu’à Mettjithia, mais qu’il échappa heureusement sain et sauf. (Note de l’auteur.)
  8. Ces particularités sont extraites du Mémoire du capitaine Wade. Le capitaine Murray dit simplement « qu’il renvoya son ministre et fit assassiner sa mère. » Le capitaine Wade donne l’année 1787 comme celle de la mort de Maha Sing, et prétend qu’il était né en 1757. N’ayant pas les moyens de prononcer entre ces deux assertions, j’ai suivi l’autorité du capitaine Murray. (Note de l’auteur.)
  9. Khoushwakt Raï ne dit rien sur le sort de la mère de Randjit Sing, mais il admet que le ministre fut assassiné ; il ajoute que Randjit Singh conversa pendant long-temps de la haine contre la race entière des Mouta Sadi, et ne voulut en employer aucun. (Note de l’auteur.)